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Les aînés bien logés et soignés grâce au privé

On oublie parfois que certaines composantes de notre système de santé fonctionnent plutôt bien. C’est le cas de l’hébergement et des soins pour les aînés, qui sont largement offerts par le secteur privé.

Les résidences privées comptent en effet pour plus des deux tiers des places d’hébergement des aînés au Québec. Pour ceux pour qui un séjour en résidence n’est pas envisageable en raison de leurs besoins plus importants, l’État subventionne un réseau de centres hospitaliers de longue durée (CHSLD) publics ou privés conventionnés, qui représentent le quart du total des places en hébergement. Cependant, l’État et le marché répondent bien différemment aux pressions exercées par le vieillissement de la population.

La vague grise

En décembre, le Commissaire à la santé et au bien-être notait qu’un peu plus de 2400 personnes âgées de 75 ans et plus attendaient une place dans un CHSLD. De 2010-2011 à 2016-2017, pendant que la population des 75 ans et plus augmentait de 15 %, le nombre de lits dans ces établissements passait de 38 394 à 37 468, une diminution de 2,4 %.

Les personnes âgées de 75 ans et plus occupent les deux tiers des lits dans les CHSLD, et la population de cette catégorie d’âge va pratiquement doubler d’ici 2031 : nul besoin d’être actuaire pour comprendre que dans les conditions actuelles, la pénurie de places dans le réseau public va s’aggraver, surtout que l’État tend à réagir lentement à l’augmentation de la demande de soins.

Le portrait est passablement différent dans le secteur privé. Le nombre de places standards dans les résidences pour personnes âgées du Québec est passé de 90 309 à 93 351 entre 2011 et 2017, avec un taux d’inoccupation moyen de 7,6 % pendant la période. Le nombre de places avec des soins assidus, a augmenté encore plus vite : il est passé de 3469 à 13 800, et le taux d’inoccupation moyen a été de 5,2 %. En somme, le marché des résidences pour personnes âgées s’est ajusté à la demande croissante pour l’hébergement et les soins pour les aînés.

Le Québec est d’ailleurs la province qui compte le plus grand nombre de places en hébergement privé pour les personnes âgées en proportion de sa population. Ce marché plus développé s’accompagne aussi des loyers les plus bas au pays. Et, contrairement à certaines fausses perceptions, des études ont montré que la qualité des soins y est élevée. Un sondage récent indique aussi que 94 % des usagers sont largement satisfaits, et ce taux grimpe à 98 % en ce qui a trait spécifiquement aux soins. 

L’entrepreneuriat dans le réseau public

Chose peu connue, sur les 432 CHSLD financés directement par le gouvernement, 62 sont des établissements « conventionnés » exploités par des entrepreneurs privés. Ces CHSLD n’ont pas plus de ressources que ceux gérés par l’État, mais arrivent néanmoins à générer un profit. La clientèle et les coûts d’hébergement sont les mêmes que pour les CHSLD « publics-publics », l’accès se fait par le même guichet régional et les conditions de travail y sont les mêmes. Ils sont parfaitement intégrés au réseau public, à deux différences près.

La première est de nature financière. Les sommes non utilisées dans la partie clinique du financement (celle consacrée aux soins), doivent être retournées à l’État. Et, puisqu’il s’agit d’entreprises privées, les CHSLD privés conventionnés paient des taxes et des impôts.

La seconde différence concerne les patients. Une compilation de visites d’évaluation du ministère de la Santé effectuées dans près de la moitié des CHSLD du Québec et publiée en 2016 a montré que la qualité des établissements et des soins prodigués était globalement supérieure dans les établissements privés conventionnés. Parmi ces derniers, 70 % avaient été évalués par le ministère comme offrant un milieu de vie «très adéquat», contre seulement 17 % dans les CHSLD entièrement publics. Aucun CHSLD privé conventionné n’a reçu la mention «préoccupant», contre 15 % des CHSLD gérés par l’État.

Le dynamisme entrepreneurial répond déjà aux besoins de dizaines de milliers d’aînés hébergés dans les résidences privées du Québec et à la demande pour ces soins, demande qui va fortement s’accroître au cours des prochaines années. Devant la tempête démographique qui s’annonce, le gouvernement ne devrait pas hésiter à faire appel à ce même dynamisme en ayant recours aux CHSLD privés conventionnés pour le développement futur du réseau public. Leur succès discret montre comment la logique entrepreneuriale peut procurer de meilleurs soins à un coût moindre pour l’État, tout en préservant leur accessibilité.

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. He is the author of “Relying on Entrepreneurs to House and Care for Our Seniors” and the views reflected in this op-ed are his own.

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