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L’acceptabilité sociale mal comprise et le pétrole

Pourquoi quatre gros projets d’infrastructures pétroliers canadiens, valant 84 milliards $, ont-ils été abandonnés en 2017? Dans un billet précédent, j’expliquais pourquoi le prix du pétrole ne pouvait être invoqué. En deux mots : le prix du pétrole est le même aux États-Unis qu’au Canada et les investissements augmentent fortement dans le secteur pétrolier américain.

En outre, plusieurs compagnies établies au Canada poursuivent et augmentent leurs plans investissements aux États-Unis. Elles investissent aussi au Canada, mais très peu dans de nouveaux projets nécessitants une approbation. Il est intéressant de noter que ces investissements au Canada se font en bonne partie dans des installations déjà existantes, qu’on cherche à améliorer ou agrandir; ceux qui sont abandonnés le sont largement là où c’est du neuf (pipelines et terminaux LNG). Nous verrons plus loin pourquoi.

L’évolution de la réglementation est certainement une partie du problème. Mais les problèmes de l’industrie canadienne datent d’avant l’élection du président Trump et son élan de déréglementation. En fait, un des problèmes majeurs, qui mine la confiance et donc l’investissement, provient de l’allongement important des délais d’approbation des projets au Canada.

Au cœur de ces délais plus longs : la notion floue d’acceptabilité sociale. Ces dernières années, on a vu des projets divers être suspendus ou abandonnés en raison d’un supposé manque d’acceptabilité sociale, sans que les normes à rencontrer soient définies clairement. Des investisseurs ont été contraints de participer à des démarches de consultation ouvertes à des intervenants qui n’avaient pourtant pas d’intérêts directs liés à la réalisation des projets.

Il importe donc de mieux baliser la notion d’acceptabilité sociale. Si son importance ne fait pas de doute dans certains cas, les circonstances qui exigent des consultations auprès des communautés touchées doivent être mieux définies et l’information à ce propos doit être communiquée adéquatement. Les consultations devraient être limitées aux communautés directement touchées et non ouvertes à tous les groupes de pression organisés désirant s’inviter dans le débat.

Le processus actuel d’évaluation environnementale, puisqu’il est mené par des institutions indépendantes, permet déjà d’évaluer les irritants et de les minimiser. Une fois toutes les étapes franchies, l’analyse d’un projet donné concilie les intérêts divergents en imposant des conditions aux promoteurs. L’ensemble des processus réglementaires et décisionnels en place garantissent que seuls les projets bien conçus et qui minimisent les impacts négatifs puissent aller de l’avant.

L’ajout d’un processus supplémentaire se penchant spécifiquement sur l’acceptabilité sociale, demandée par de nombreux groupes militants, menace l’équilibre entre l’exigence de rigueur et celle de prévisibilité. Le risque pour un investisseur est de voir un projet passer toutes les approbations requises, obtenir tous les permis nécessaires, remplir toutes les conditions demandées et se voir quand même refusé. Le premier processus d’évaluation perdrait alors une bonne partie de sa pertinence.

C’est précisément ce qui est arrivé dans le cas du projet Matoush. Le promoteur, Ressources Strateco, avait obtenu pas moins de 22 permis afin d’exploiter un gisement d’uranium au nord de Chibougamau et dépensé près de 150 millions, avant de voir le gouvernement reculer subitement face aux pressions, même si le projet avait rencontré toutes les exigences requises.

La multiplication des intervenants gouvernementaux, certains faisant le jeu des militants anti-développement, contribue encore plus à ce problème. Par exemple, le projet Trans Mountain, pourtant approuvé par les régulateurs et par le gouvernement fédéral, rencontre toutes sortes de problèmes d’obtention de permis locaux à Burnaby, en Colombie-Britannique. Un fait parmi d’autres : le permis pour couper les arbres, nécessaire au projet, est attendu depuis des mois.

En somme, l’accusation trop fréquente de manque d’acceptabilité sociale ne doit pas devenir un paravent derrière lequel les gouvernements peuvent prendre des décisions arbitraires.

Les nouveaux projets sont de plus en plus risqués au Canada pour les investisseurs. Et c’est largement à cause d’un sérieux problème d’acceptabilité sociale mal comprise. Il serait temps de s’y pencher avant que les investisseurs décident que d’autres contrées sont plus accueillantes.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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