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Les futurs profs qui coulent : on fait quoi?

On apprenait la semaine dernière qu’à peine la moitié des étudiants en enseignement réussissent au premier essai l’épreuve de français obligatoire pour l’obtention de leur brevet d’enseignant.

Je répète, pour que l’on prenne bien la mesure de cette statistique proprement sidérante : la moitié des futurs responsables de l’éducation de nos enfants ont besoin d’au moins un autre essai, parfois plusieurs (le record est de douze, sans succès) afin de pouvoir démontrer qu’ils maîtrisent adéquatement la langue qui sera leur principal outil de travail pour le reste de leur vie professionnelle.

La première partie du TECFÉE, l’examen dont il est question, consiste à rédiger un texte de 350 mots, environ la moitié du présent billet; la seconde est faite de 60 questions à choix multiples demandant de trouver la bonne formulation ou l’erreur.

Le faible taux de réussite à cet examen obligatoire n’est pas nouveau. Certains blâment la difficulté de la partie linguistique de l’examen, qui ferait trop de place aux exceptions, ou avancent encore qu’il est normal que le taux d’échec soit plus élevé chez ceux qui passent l’examen avant d’avoir suivi le cours de français pour les futurs enseignants. Ne devrait-on pas, plutôt, se demander pourquoi treize années de cours de français reçus avant d’arriver à l’université n’ont pas suffi?

L’enseignement, « le dernier choix »

Selon un professeur retraité en sciences de l’éducation, l’enseignement « est souvent le dernier choix » des futurs profs, qui « ne sont pas assez forts pour entrer en médecine, en génie ou en droit ».

Comme mes collègues l’ont noté dans une récente publication, la cote R des étudiants en éducation est généralement inférieure à celle des étudiants admis dans les autres programmes universitaires. À l’évidence, les meilleurs candidats aux études supérieures ne voient généralement pas leur avenir en enseignement.

Maintenant qu’on sait tout ça, on fait quoi? Certains suggèrent de rehausser les critères d’admission. Fort bien, mais si on manque déjà de bons candidats, on ne sera pas plus avancé. D’autres proposent d’imposer un diplôme de deuxième cycle en plus du bac. À mon avis, c’est prendre le problème à l’envers. Si des étudiants se sont rendus à l’université sans avoir appris correctement leur français, ils ne l’apprendront pas davantage à la maîtrise.

Il faudrait plutôt se demander pourquoi les élèves ayant le plus fort potentiel n’envisagent plus l’enseignement comme un choix de carrière.

Les conditions de travail, incluant la précarité du métier pendant les premières années et le fait que les tâches les plus difficiles soient confiées aux enseignants les moins expérimentés, n’encouragent pas les jeunes profs à rester. Le quart d’entre eux quitteraient la profession au cours des cinq premières années. Certains évaluent que le décrochage des nouveaux enseignants atteindrait jusqu’à 50 %. Cela envoie un signal qui se reflète manifestement jusque dans les demandes d’admission au bac. Vous avez de bonnes notes, et vous avez donc le choix : dans les conditions actuelles, choisiriez-vous une carrière en enseignement, ou autre chose?

Une solution pourrait être d’accorder moins d’importance à l’ancienneté dans l’attribution des tâches et des postes, ce qui permettrait par exemple de confier les tâches plus difficiles à des enseignants plus expérimentés pendant que les plus jeunes prendraient du galon. On pourrait aussi rendre la rémunération plus attrayante : on n’attire pas les meilleurs avec des bons sentiments.

Puisque les futurs professeurs ont d’abord été des élèves, on devrait aussi jeter un œil du côté de ceux qui leur ont enseigné et qui sont toujours en poste. Au Québec, la plupart des profs ne sont plus évalués une fois qu’ils ont obtenu leur permanence. Et de 2010 à 2015, seulement sept profs permanents sur 58 000 ont été congédiés pour incompétence. Disons seulement que cet état de choses semble improbable…

Évaluer tous les enseignants sur une base régulière, de même que redonner aux directions d’écoles la possibilité réelle de congédier les mauvais profs, enverrait un message important, à savoir qu’un emploi dans l’enseignement n’est plus garanti à vie. Cela ferait de la place aux nouveaux profs et aux plus motivés, en plus de rehausser la barre pour tous.

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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