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Y a-t-il vraiment trop de médecins au Québec ?

Le ministre de la Santé a annoncé l’an dernier une baisse du nombre d’admissions en médecine afin d’éviter que de futurs médecins se retrouvent au chômage. Pourtant, un Québécois sur cinq n’a toujours pas de médecin de famille et, toutes proportions gardées, le Québec compte moins de médecins que la plupart des pays développés.

« Trop » de médecins?

Les comparaisons internationales confirment ce que les Québécois constatent depuis longtemps, à savoir qu’il est particulièrement difficile de voir un médecin lorsqu’on en a besoin. Dans un sondage comparant les réponses de patients de 11 pays, incluant le Canada, le Québec est dernier pour l’accès à un médecin ou une infirmière le jour même ou le lendemain, dernier pour l’accès à un spécialiste à l’intérieur de quatre semaines, dernier pour l’attente pour les chirurgies non urgentes et, sans surprise, bon dernier pour l’attente aux urgences.

Pourtant, une idée reçue et qui est rapportée régulièrement veut que le Québec compte beaucoup de médecins. L’actuel ministre de la Santé a même déjà affirmé que la province comptait « à peu près 10 % » de médecins en trop, soit environ 2000 médecins. Qu’en est-il vraiment ?

Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, le Québec compte 2,43 médecins par 1000 habitants, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne canadienne de 2,3.

Nous comptons un peu plus de médecins que l’Ontario (2,2), et à peine plus que la Colombie-Britannique (2,42) et l’Alberta (2,41).

Le portrait est passablement différent lorsqu’on compare les effectifs médicaux du Québec avec ceux d’autres pays développés. En utilisant la définition de « médecins en exercice » de l’OCDE, qui inclut les résidents mais exclut les médecins qui n’ont pas de contact direct avec les patients, on constate que le Québec compte alors 2,8 médecins par 1000 habitants. Sur une trentaine de pays, seuls la Turquie, la Corée du Sud, la Pologne, le Mexique, le Japon et les États-Unis ont proportionnellement moins de médecins que le Québec.

Selon ces mêmes critères, le Québec compte présentement environ 23 605 médecins « en exercice ». S’il avait le même ratio que l’Australie, soit 3,5 médecins par 1000 habitants, il pourrait compter environ 6000 médecins de plus ; quelque 11 000 médecins de plus s’il en avait autant que l’Allemagne (4,1) ; et près de 20 000 médecins de plus s’il en avait autant que l’Autriche (5,1). Il est facile d’imaginer que la problématique de l’accès aux soins ne se poserait plus de la même façon si c’était le cas.

Des bénéfices pour les patients

Une augmentation du nombre de médecins serait bénéfique à plus d’un point de vue. D’abord, le réseau public aurait davantage de main-d’œuvre pour pourvoir les postes vacants, qui se comptent présentement par centaines. Ensuite, cela permettrait aux cliniques privées désaffiliées de se développer sans qu’il y ait de danger (réel ou perçu) qu’elles viennent cannibaliser le réseau public. La demande croissante pour les soins et l’incapacité chronique du réseau public à la satisfaire présentent des occasions d’affaires pour les entrepreneurs. À titre d’exemple, un médecin qui possède déjà sept cliniques privées envisage d’en avoir de 25 à 50 d’ici cinq ans.

Ainsi, si l’État continue de rationner les soins et de limiter l’accès comme il le fait présentement, les nouveaux médecins auront la possibilité de travailler à l’extérieur du système public et de continuer à bonifier l’offre globale de soins, sans affecter l’offre dans le secteur public. Lorsque la concurrence dans l’offre de soins augmente, cela n’entraîne que des bénéfices pour les patients.

Depuis des années, le ministère de la Santé tente sans succès de prédire les besoins des Québécois en calculant 10 ans à l’avance le nombre de médecins qu’il faudra pour les combler.

Cet exercice repose sur la prémisse qu’une autorité centrale et toute-puissante puisse posséder l’information concernant les intentions futures de millions de patients et de dizaines de milliers de professionnels de la santé. L’expérience des 30 dernières années montre qu’il s’agit d’une vue de l’esprit.

De nombreux maux affligent notre système de santé, pour lequel il n’existe pas de panacée. Néanmoins, laisser tomber le contingentement artificiel et arbitraire du nombre d’admissions et permettre à tous ceux qui en ont les capacités d’étudier en médecine insufflerait une bonne dose d’oxygène au système de santé québécois. Celui-ci pourrait alors se développer au gré des besoins des patients, et non selon les diktats des bureaucrates et des politiciens.

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. He is the author of “It’s Time to End Med School Quotas” and the views reflected in this op-ed are his own.

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