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Un marché du travail flexible profite aux travailleurs

Ces derniers mois, les médias ont fait le portrait de plusieurs régions ou industries au Québec où existent des pénuries de main-d’œuvre, ce qui pousse des employeurs à offrir non seulement des salaires plus élevés, mais aussi toute sorte d’avantages sociaux. Les entreprises le font-elles parce qu’elles se sentent généreuses? La réponse est évidemment non : c’est plutôt parce qu’elles veulent continuer à faire des profits.

Les coûts en termes de production ralentie, d’opportunités d’expansion perdues, ou de contrats qu’on ne peut honorer à temps à cause de postes vacants peuvent être très élevés. De même, une forte rotation des employés entraîne des bouleversements et des coûts additionnels, notamment sur le plan de la formation. Il est bien plus profitable pour une entreprise de garder ses employés formés et productifs le plus longtemps possible.

Le magazine Forbes consacrait justement un article de fond à ce sujet dans son dernier numéro, sous le titre « Competition is the new union » (« La concurrence remplace les syndicats »). On y cite des études indiquant que les entreprises qui se portent le mieux sont celles qui tentent de fidéliser leurs travailleurs en leur offrant de bonnes conditions.

Un professeur de finance de la Penn’s Wharton School, Alex Edmans, a ainsi passé en revue en 2012 les rendements boursiers sur une période de 27 années des entreprises américaines considérées dans les classements comme des endroits de choix pour y travailler. Celles-ci ont mieux performé que le marché boursier de 2,3 à 3,8 points de pourcentage par an, peu importe les conditions économiques.

Plus récemment, il a étudié la relation entre la satisfaction des employés et le rendement des actions dans quatorze pays. Ses résultats donnent à réfléchir : dans les pays où le marché du travail est rigide, comme l’Allemagne, où la réglementation et les conventions collectives limitent fortement la marge de manœuvre des gestionnaires, offrir de meilleures conditions aux travailleurs ne procure que des avantages minimes sur le plan du rendement. Au contraire, dans des marchés du travail flexibles, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, une bonification des conditions des travailleurs produit systématiquement des rendements plus élevés.

Le contre-exemple le plus flagrant est probablement celui de la France, où le président Macron tente depuis son élection d’assouplir des lois du travail notoirement rigides, qui rendent parfois impossibles les licenciements et imposent des règles mur à mur à des industries entières. Le résultat : un taux de chômage chroniquement élevé, aujourd’hui à 9,7 %, soit le double de celui du Québec. Au Québec, nous avons un marché du travail un peu plus rigide qu’aux États-Unis, mais infiniment moins qu’en France.

Certaines réalités ne changeront évidemment jamais. Un employé de Walmart avec un secondaire 5 ne fera jamais le salaire d’un ingénieur dans une entreprise de haute technologie, pénurie de travailleurs ou pas. L’argument que je souhaite faire ici est simplement qu’il est faux de prétendre que les travailleurs sont les grands perdants dans un système de libre entreprise, avec un marché du travail relativement libre.

C’est un cliché, mais qu’il faut répéter parce qu’il est fondamental : dans un marché, tout est fonction d’équilibre entre l’offre et la demande. Exigez des prix trop élevés et vous ferez fuir les clients; des prix trop faibles vous mèneront à la faillite. La logique est similaire pour la main-d’œuvre. Les entreprises ont intérêt à payer le prix qu’il faut pour attirer et garder les employés dont elles ont besoin, simplement parce que c’est rentable de le faire. Pas plus, mais pas moins non plus.

Malheureusement, les décideurs publics n’apprécient pas toujours ce processus. Ils préfèrent légiférer pour hausser les salaires ou introduire toute sorte de réglementations dans le but d’améliorer les conditions des travailleurs. Les bonnes intentions affichées comptent plus que les effets pervers à plus long terme.

Les travailleurs, au Québec comme ailleurs, ont le gros bout du bâton en ce moment. Il faut s’en réjouir. Il faut aussi se rappeler que la raison tient principalement à une situation économique favorable. Une économie dynamique, qui laisse place à l’entrepreneuriat et attire des investissements, est un meilleur gage de conditions avantageuses pour les travailleurs qu’une tonne de lois et de règlements qui rendent le marché du travail trop rigide.

Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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