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L’or bleu du Québec

J’aimerais réagir à un texte d’opinion paru dans Le Devoir du 22 mars, «Évitons d’étancher la soif des prédateurs de l’eau»), et qui pointe une étude dont je suis l’auteur. L’article présente comme un sacrilège le fait de vouloir recycler l’eau d’une rivière vers une région qui en est dépourvue. Ainsi, alors que moins de 1% de l’eau de la planète Terre est disponible pour tout ce qui vit en dehors des océans, humains, animaux et plantes; alors que les experts affirment que les changements climatiques auront pour effet de réduire de 20 à 30% les apports d’eau des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, il serait contre nature de réorienter certains écoulements, comme cela, uniquement pour des questions de principe, et ce, peu importe les mesures prises simultanément pour bonifier et protéger l’environnement!

Soyons réalistes: avec un assèchement probable à moyen terme de plusieurs pieds, l’environnement du fleuve Saint-Laurent risque de souffrir davantage de la non-réalisation du projet, il n’y a qu’à visiter la baie Georgienne pour s’en rendre compte. À ce propos, je recommande aux auteurs du texte publié en page Idées la lecture de l’étude du regretté professeur Max Dunbar, de l’Université McGill, intitulée «Hudson Bay Has Too Much Fresh Water», laquelle démontre que c’est justement le surplus d’eau douce déversé dans la baie James qui en fait une des mers les plus stériles au monde.

Plus d’une centaine de projets de récupération d’eau douce du genre, d’envergure souvent de loin plus imposante, sont réalisés ou sont en cours de réalisation dans le monde; d’après ces experts en science politique, ce ne pourrait être que l’oeuvre de gens incompétents ou mal intentionnés! Ainsi, il serait plus socialement responsable de laisser cette rare eau potable se perdre en mer que de pouvoir approvisionner une population pouvant atteindre 150 millions de personnes!

Et surtout, d’après l’article, ce serait un péché grave, voire mortel, de mettre l’occasion à profit pour trouver une solution aux problèmes financiers de la province de Québec. Et dire que l’on prétend que les Québécois ont toujours souffert de cet enseignement ultrareligieux qui leur faisait croire que la richesse est une faute! À la lecture de l’article, on constate qu’après tout, l’origine de cette pensée stérile n’est peut-être pas d’ordre religieux. Or, au risque de décevoir ces auteurs, comme tout citoyen responsable, je me soucie effectivement des besoins financiers du gouvernement, des universités et des hôpitaux et de la nécessité de donner un salaire convenable aux infirmières et aux professeurs.

Je ne me sens aucunement gêné de présenter un projet de 15 milliards, capable de corriger au moins en grande partie l’assèchement prochain de la vallée du Saint-Laurent et d’alimenter en eau potable 150 millions d’êtres humains, et ce, tout en se substituant à la réalisation nécessaire à long terme de cinq réacteurs nucléaires d’un coût de 13 milliards chacun. Il ne me semble pas regrettable non plus que ce projet dit de «l’eau du Nord» réponde en plus aux besoins financiers des québécois, avec un apport financier pouvant dépasser un montant de 10 à 15 milliards par année.

De tels objectifs sont-ils atteignables autrement? Il aurait été intéressant de connaître les solutions de remplacement proposées par les auteurs du texte d’opinion.

F. Pierre Gingras is Associate Researcher at the Montreal Economic Institute.

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