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Textes d'opinion

Approbation de projets énergétiques : la valse de l’incertitude doit cesser

Cent milliards de dollars. C’est la valeur des projets annulés depuis trois ans dans le secteur énergétique canadien. La baisse des prix de l’énergie a certainement joué un rôle, mais notre processus d’approbation des grands projets, qui comporte une large part d’arbitraire, n’y est pas étranger.

Les projets de pipeline Northern Gateway et Énergie Est, d’une valeur totale de 23 milliards de dollars, ont été victimes de revirements politiques et juridiques, malgré l’aval de l’Office national de l’énergie (ONÉ).

L’expansion du pipeline Trans Mountain est le plus récent exemple. Son avenir est aujourd’hui incertain, tout comme les 4,5 milliards en fonds public qu’Ottawa a dépensés pour tenter de le sauver. Pourtant, le projet avait reçu l’approbation de l’ONÉ et remporté ses 17 premières batailles juridiques contre des groupes et des politiciens qui s’y opposaient.

Le désavantage canadien

Ces récents échecs, parmi d’autres, mettent en relief notre contexte réglementaire déficient. Un processus d’approbation long et imprévisible décourage l’investissement.

Les entreprises en prennent note. Selon un sondage mené auprès d’entreprises du secteur pétrolier, les deux provinces les plus importantes en termes de production, l’Alberta et la Colombie-Britannique, sont en queue de peloton sur le plan de la prévisibilité, des délais et des coûts liés au processus d’approbation des États (seule la Californie fait pire). Ainsi, plus des deux tiers des entreprises sondées ont exprimé une réticence à investir dans ces provinces.

Malheureusement, ça pourrait empirer. En ce moment, le Sénat canadien étudie le projet de loi C-69, qui créera entre autres la Régie canadienne de l’énergie, afin de remplacer l’ONÉ. La plupart des observateurs croient que les nouvelles règles auront pour effet d’allonger et de complexifier le processus d’approbation, et de créer encore plus d’arbitraire politique.

Pendant ce temps, au sud de la frontière, le processus d’approbation des projets énergétiques est en train d’être simplifié.

Notamment, certains projets d’infrastructure jugés prioritaires peuvent faire l’objet d’une procédure accélérée. Deux lois actuellement à l’étude au Sénat américain visent en outre à faciliter l’approbation des projets impliquant le commerce du pétrole, du gaz naturel et de l’électricité entre les États, mais aussi avec le Canada et le Mexique. Elles mettraient fin à l’incertitude politique, puisque la décision finale reposerait entre les mains d’une agence gouvernementale indépendante et transparente, se basant sur des critères objectifs.

L’obtention de permis a aussi été simplifiée et centralisée. Les agences qui dépasseront les délais prévus feront l’objet de sanctions financières. Ces mesures continueront de creuser l’écart de compétitivité entre le Canada et les États-Unis, qui s’est déjà accentué à la suite des réformes fiscales et réglementaires au sud de la frontière.

Prendre les moyens

Il est possible de redresser la barre au Canada et de rétablir un climat favorable à l’investissement. Pour que cet objectif soit atteint, le projet de loi C-69 devrait être amendé pour y inclure les éléments suivants :

  • Imposer des sanctions budgétaires aux organismes qui ne respectent pas les délais prévus par la loi, comme cela se fait chez nos voisins;
  • Éliminer le pouvoir discrétionnaire des politiciens de bloquer un projet une fois qu’il a reçu toutes les approbations;
  • Interdire de changer les règles d’évaluation d’un projet en cours de route;
  • Indemniser les entreprises qui subissent des dommages en raison du dépassement des délais.

Quand les citoyens et les entreprises ne respectent pas les délais prévus par la loi, le gouvernement n’hésite pas à les pénaliser. La même logique devrait s’appliquer au gouvernement lorsqu’il ne respecte pas ses propres délais et règlements. Le Canada peut redevenir l’endroit invitant qu’il a déjà été pour les investisseurs. Il suffit d’en prendre les moyens.

Alexandre Moreau est analyste en politiques publiques à l’IEDM, Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

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