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Textes d'opinion

Que retenez-vous du cadre financier des partis politiques? Des listes d’épicerie qui ne s’attaquent pas aux problèmes

La présente campagne électorale québécoise est inhabituelle, dans la mesure où les cadres financiers des partis sont attendus avec fébrilité et accaparent une grande partie de la discussion. Dans les campagnes précédentes, un thème dominait souvent : accommodements raisonnables, déficits, souveraineté, éducation. Aucun grand thème ne semble se démarquer en 2018 et, faute de mieux, les commentateurs se tournent vers le cadre financier des partis. C’est dommage d’une certaine façon, car c’est bien loin des préoccupations des Québécois. 

Un exemple : les problèmes en santé, dont l’accès aux soins et la croissance incontrôlée des coûts sont passés sous le tapis, alors qu’il s’agit de la priorité des Québécois. Mais on ne fait que proposer bêtement d’ajouter encore plus d’argent. Avez-vous envie de revivre les 40 dernières années ? Comme dirait Mme Chagnon : « Pas tellement… » 

Bien sûr, l’exercice des cadres financiers n’est pas mauvais en soi. Il permet de réunir les différentes promesses et de les examiner globalement. Leur réalisme est discuté âprement par les commentateurs et les spin doctors. Et, au moins, ils forcent les partis à faire preuve d’un minimum de sérieux sur le plan comptable. 

Mais avant d’accorder une grande importance à ces chiffres, on doit se rappeler qu’une fois au gouvernement, les partis sont confrontés à la réalité de l’exercice du pouvoir, ce qui les pousse à moins respecter certaines promesses. 

Par exemple, lors de la dernière campagne fédérale de 2015, les libéraux avaient promis des déficits annuels totalisant une trentaine de milliards et un retour à l’équilibre en quatre ans ; ça sera vraisemblablement plus du double, et le retour à l’équilibre n’est pas en vue. Ils avaient aussi promis un changement du mode de scrutin ; la promesse aura duré le temps d’un comité parlementaire. Les libéraux avaient également promis de conjuguer développement des ressources, respect des accords de Paris et réconciliation avec les Premières Nations ; considérant les développements récents, dont la suspension du projet Trans Mountain, on peut se demander ce qui restera de cette dernière promesse au bout de quatre ans au pouvoir. 

La « collection » des votes 

Au Québec, un élément est cependant commun aux quatre principaux partis politiques : ils promettent tous d’augmenter les dépenses de l’État. Cela met en lumière le phénomène du clientélisme : les politiciens tentent de former des coalitions en « collectionnant » les gens qui vont voter pour eux, en échange d’une multitude de promesses de dépenses supplémentaires. Ou, comme le disait récemment le sondeur Jean-Marc Léger, «  on achète votre vote avec votre argent ». 

Cela permet de comprendre pourquoi chaque parti semble sortir certaines politiques d’un chapeau de magicien : l’un va offrir des lunchs payés par les contribuables aux écoliers, un autre les frais de stationnement à faible coût dans les établissements de santé, et un autre un YouTube québécois, ou encore la gratuité du premier cycle de fécondation in vitro. 

Bref, le cadre financier des partis est important, dans la mesure où il permet de regrouper en un document les promesses de dépenses et leurs sources de financement. Mais s’ils ne sont pas animés par une philosophie cohérente, ils s’apparentent plutôt à une liste d’épicerie pour la petite semaine. Ce qui ressort en somme des cadres financiers, c’est la multiplication des promesses de dépenses et l’absence de solutions à des problèmes structurels, tels l’accès aux soins ou le décrochage scolaire. Aucun de ces problèmes ne sera réglé en 2022, mais soyez certains qu’on aura droit à de nouvelles listes d’épicerie.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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