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Textes d'opinion

Lawrence H. White : de la concurrence monétaire pour une économie prospère

Texte d’opinion publié en exclusivité sur notre site.

Tous les jours, nous utilisons de l’argent et effectuons des transactions, sans forcément nous interroger sur la manière dont fonctionne le système monétaire. L’idée que cela dépende du gouvernement est rarement mise en cause dans nos sociétés. Pourtant, certains économistes sérieux considèrent que ce contrôle gouvernemental est très nuisible à l’économie, et qu’il serait plus souhaitable que la monnaie soit administrée de manière privée.

C’est notamment ce que défendait le lauréat du prix Nobel d’économie, Friedrich Hayek, dans un petit livre consacré à la question (The Denationalization of Money, 1976). Mais tout le mérite d’avoir rendu cette idée respectable revient à l’économiste Lawrence H. White, qui a montré à partir d’exemples historiques comment des banques libres pouvaient exister, sans ingérence de l’État. Ses articles sur l’histoire bancaire et monétaire ont été publiés dans les revues les plus prestigieuses et ont remis en cause les fondements mêmes des banques centrales.

L’idée essentielle que White a développée est que les banques centrales, qui dépendent du gouvernement, introduisent des déséquilibres sur le marché des prêts bancaires, ce qui crée des distorsions nuisibles à l’économie; elles créent de l’instabilité pour les acteurs économiques, et de l’irresponsabilité chez les banquiers, puisque la valeur de la monnaie dépend ultimement de la banque centrale. À l’inverse, dans un système de banques libres, il y aurait une concurrence entre les banques, où les plus responsables (celles qui gèrent l’argent des clients avec des garanties) verraient leur monnaie être plus utilisée.

En effet, la concurrence, comme dans d’autres secteurs, fait en sorte que les entreprises qui offrent de bons services (dans ce cas une monnaie stable) chassent les mauvaises. Dans un système concurrentiel, les banques ont tout intérêt à renforcer la confiance et à bien gérer l’argent de ses clients, sous peine de les perdre. Les monnaies offertes par les banques seraient convertibles en métaux précieux (comme l’or, dont les prix varient peu). Selon Lawrence White, l’économie serait plus stable avec un tel système.

Dans l’un de ses livres, il raconte qu’à une époque (entre 1716 et 1844), en Écosse, les banques fonctionnaient librement en toute indépendance. L’Écosse profitait alors d’une situation économique remarquable et d’une grande stabilité monétaire. Ce n’était pas le cas du Royaume-Uni, où les banques dépendaient alors étroitement de la Banque d’Angleterre et de ses politiques, et où il y avait davantage de faillites bancaires et d’instabilité monétaire.

Lawrence White a fait également une contribution importante à l’histoire de la pensée économique en montrant que, jusqu’au XIXe siècle, il existait une école de pensée en Angleterre qui défendait le système de banque libre. La crise économique et financière de 2008 a redonné une actualité particulière à ses thèses. Selon lui, la Grande Récession est liée aux diverses manipulations monétaires des banques centrales, qui ont contribué à rendre les banques irresponsables; l’imprudence et les erreurs de certains ont été favorisées par une politique de crédit facile qui a favorisé un excès d’investissements non viables dans certains secteurs. White a notamment fait le bilan de la banque centrale américaine (la Fed) depuis sa création, et constaté que depuis qu’elle existe, il y avait eu plus d’instabilité monétaire et macroéconomique par rapport aux décennies précédentes.

La Fed a notamment échoué dans l’un de ses mandats principaux : la stabilité des prix. En effet, il y a eu un déclin du pouvoir d’achat du dollar depuis les années 1970 (et la fin de la convertibilité du dollar en or) en raison de l’inflation, ainsi qu’une imprévisibilité dans l’évolution des prix. Les récessions sont maintenant plus longues et plus graves. Elles n’ont pas réduit la fréquence des crises bancaires, bien au contraire. Pour cette raison, les économistes de l’école autrichienne comme Lawrence White considèrent que la crise de 2008 offrait une occasion pour proposer des solutions de rechange au système bancaire actuel. Celles-ci auraient probablement donné de meilleurs résultats économiques.

White pense que l’on pourrait revenir à un système bancaire libre afin d’éviter de nouvelles crises dans le futur. Il s’est aussi récemment intéressé aux cryptomonnaies, comme le bitcoin, qu’il considère comme une sorte de monnaie privée présentant une alternative au monopole public sur la monnaie. Un sujet d’actualité alors que dans certains pays comme le Venezuela, un nombre croissant d’individus se tournent vers les cryptomonnaies, qui sont jugées plus fiables que l’argent imprimé par leur gouvernement.

Jasmin Guénette est vice-président aux opérations de l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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