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Textes d'opinion

Fiscalité, dépense publique : pourquoi Macron devrait suivre l’exemple canadien

En collaboration avec Nicolas Lecaussin*

L’année 2017 s’est achevée en France par l’annonce d’un budget qui s’inscrit dans la lignée de ces quarante dernières années: une augmentation des dépenses publiques conjuguée à un déficit important. Quelques réformes fiscales annoncées vont dans le bon sens, mais restent bien timides au regard de la gravité de la situation de l’environnement fiscal et réglementaire pour les entreprises françaises. La France reste actuellement championne de l’impôt sur les entreprises dans l’Union Européenne! Une bonne résolution du gouvernement pour 2018 serait de trouver un moyen de sortir du cercle vicieux de la dépense publique, de la dette et de la surfiscalité (les Français travaillent jusqu’au 29 juillet pour l’Etat).

Un exemple à suivre pourrait être celui du Canada. Si ce pays a fait l’objet d’une attention croissante de la part des médias récemment, c’est plus souvent pour s’intéresser au statut de « rockstar » de son Premier ministre plutôt que pour comprendre comment ses prédécesseurs ont fait passer le pays d’un état de quasi-faillite à un boom économique dont ses habitants continuent à récolter les fruits aujourd’hui. Or, cette expérience est riche d’enseignements.

La situation du Canada aux débuts des années 1990 était considérée comme dramatique par le FMI en raison du niveau de sa dette publique, jugée exceptionnellement élevée (aux alentours de 70 %, c’est-à-dire loin du taux de près de 100 % atteint par celle de la France aujourd’hui!). Le gouvernement de Jean Chrétien, élu en 1993, a pris la mesure du problème et a décidé d’employer les grands moyens: des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires ont été supprimés et des compressions budgétaires importantes décidées dans plusieurs ministères. Les gouvernements canadiens successifs sont parvenus à faire voter des budgets en excédent pendant près de dix années consécutives , tandis qu’en France aucun budget n’a été voté en équilibre depuis 1974. La dette du gouvernement fédéral d’Ottawa a été réduite quasiment de moitié entre 1993 et 2007, passant de 75 à 39 % du PIB (selon la banque mondiale).

L’allègement du montant alloué au remboursement de la dette a permis de dégager des marges de manœuvre pour baisser la pression fiscale. Le gouvernement Chrétien a fait progressivement passer le taux d’imposition des entreprises de 28 à 21 % entre 1993 et 2004. Son successeur, Paul Martin, a baissé la tranche la plus basse d’imposition sur le revenu de 1 point. Stephen Harper a, quant à lui, entamé à partir de 2006 des baisses d’impôts, considérant que l’argent est toujours mieux géré par les citoyens que par les administrations.

Le taux d’imposition fédéral des entreprises a été ramené progressivement à 15 % en 2013, soit le taux le plus bas des pays du G7 (c’est même moins qu’au Royaume-Uni). Le Premier ministre conservateur a aussi baissé la taxe sur les produits et les services (l’équivalent de la TVA) de 7 à 5 %. Plusieurs mesures d’exemptions et de crédits d’impôts ont été adoptées au cours de ses trois mandats pour réduire l’imposition des revenus de près de 17 milliards de dollars, profitant notamment aux classes moyennes. À son départ du pouvoir en 2015, le fardeau fiscal des Canadiens était au plus bas depuis 50 ans. Cet élan réformateur a récemment touché la province du Québec (l’une des provinces les plus à gauche) qui après avoir équilibré les comptes publics en stabilisant les dépenses a voté une baisse d’impôts de 1,2 milliard de dollars.

Toutes ces réductions d’impôt n’ont pas été seulement bénéfiques pour les contribuables, mais ont aussi participé au « boom » de l’économie canadienne dans les années 2000. Elles ont aidé à amortir le choc de la crise économique de 2008 qui s’est moins fait ressentir qu’ailleurs. La baisse de la fiscalité sur les entreprises a rendu le Canada plus attractif pour les investisseurs étrangers, ce qui a généré des taux de croissance plus élevés qu’en France (2,1 % de moyenne annuelle contre 1,3 % sur la période 2000-2017). Le PIB par habitant a augmenté plus vite qu’en France, tout comme le salaire moyen. Ajoutons à cela un taux de chômage bien plus faible que celui observé dans l’Hexagone (6,5 % contre 9,8 %). La situation économique s’est notamment améliorée dans la province du Québec, si bien que certains secteurs peinent à recruter. C’est le cas de l’usine française Fleury Michon implantée là-bas qui est en péril faute d’employés! Tous ces éléments expliquent l’attractivité qu’exerce ce pays pour les nombreux jeunes diplômés français qui s’y expatrient de plus en plus (dont l’un des auteurs de ces lignes…).

Nous ne décrivons pas un paradis. La situation des finances publiques canadiennes est loin d’être parfaite: les dépenses publiques restent élevées, le gouvernement canadien a récemment renoué avec les déficits, tandis que la situation est variable selon les provinces (certaines provinces restent très endettées et taxées). Cependant, elle s’est globalement améliorée ces dernières années.

La principale leçon économique que nous fournit le Canada est que la baisse des dépenses publiques et la réduction de la dette sont utiles pour dégager des marges de manœuvre afin de baisser les impôts et créer un environnement favorable à la création de richesses. Cette expérience nous offre matière à réflexion au niveau politique. L’effort pour assainir les finances publiques et baisser les impôts a été entamé au Canada par un gouvernement de centre gauche et poursuivi par un gouvernement conservateur. Ces orientations, bien qu’elles déplaisent à certaines clientèles politiques dépendant de l’argent public, sont électoralement payantes : Jean Chrétien (Parti libéral) et Stephen Harper (Parti conservateur) sont tous les deux restés une décennie au pouvoir en se faisant réélire à plusieurs reprises. Avis à Emmanuel Macron!

Kevin Brookes est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal, Nicolas Lecaussin est directeur de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales, Paris). Ils signent ce texte à titre personnel.

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