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Textes d'opinion

Laissez Bonjour-santé tranquille

Un des principaux ratés de notre système de santé est qu’il ne permet pas au patient de trouver un médecin quand il en a besoin.

Ce n’est pas nouveau, et c’est probablement la raison pour laquelle les Québécois pensent à la santé en premier lorsqu’ils font leur liste d’épicerie pour les politiciens.

Les causes sont multiples. Notamment, notre système de santé fonctionne encore à l’âge de pierre et du fax, et il donne relativement peu de latitude aux infirmières et aux pharmaciens. Également, plusieurs Québécois n’ont pas de médecin de famille ou peinent simplement à le voir.

Mais il arrive aussi que des places de rendez-vous dans une clinique médicale se libèrent, et la connaissance de cette disponibilité n’est évidemment pas communiquée par magie à tous les patients qui pourraient en bénéficier.

Arrive Bonjour-santé, un site internet mis en place par une entreprise de Boucherville et qui vient combler ce besoin. Le principe est simple : des médecins participants dans le régime public d’assurance maladie peuvent y offrir des plages de rendez-vous. Les patients qui veulent une consultation rapide et gratuite sans passer une journée à l’urgence, eux, peuvent être mis en relation avec ces mêmes médecins à l’intérieur de 24 heures.

Le service est gratuit si un médecin de votre clinique habituelle est disponible. Sinon, Bonjour-santé demande 17,25 $, que bien des patients sont heureux de payer. Et ça ne coûte rien aux médecins, qui voient les trous dans leur horaire se remplir sans effort.

Bonjour-santé existe depuis 2012. Elle dit desservir plus de 300 cliniques médicales et compter plus de 2 millions d’utilisateurs. L’entreprise aurait aussi contribué à réduire le temps d’attente en clinique, qui était en moyenne de 2 heures et 46 minutes, à seulement 45 minutes. Elle vise maintenant 20 minutes, grâce à l’intelligence artificielle.

C’est une réduction qui bénéficie à l’ensemble des patients et pas seulement à ceux qui ont déboursé pour le service de rendez-vous rapide, puisque les rendez-vous sont mieux coordonnés.

Il est où le problème, me demandez-vous? Il n’y en a pas, mais comptez sur notre gouvernement pour en trouver un.

Les gros sabots

En avril dernier, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a annoncé la mise en place de Rendez-vous santé Québec, un service de rendez-vous en ligne piloté par son ministère.

Le service gouvernemental doit permettre aux contribuables de prendre rendez-vous avec son médecin de famille ou dans une autre clinique. Il est présentement déployé dans la grande région de Montréal et à Québec et devrait s’étendre graduellement. Sa mise en place devrait coûter 4,5 millions $ à l’État d’ici cinq ans.

Prenons une pause ici. L’État dormait au gaz depuis des années en ce qui a trait à l’utilisation des nouvelles technologies dans le secteur de la santé. Un entrepreneur identifie une occasion d’affaires, investit et comble le besoin tant pour les médecins que les patients, pour finalement voir le gouvernement débarquer des années plus tard avec ses gros sabots, une fois que le problème est réglé.

De plus, comme la concurrence est une mauvaise chose du point de vue de l’État, une clause de contrat des nouvelles supercliniques stipule que celles-ci seront obligées de faire affaire avec le service gouvernemental.

Voilà déjà une excellente façon d’étouffer la concurrence et de freiner l’innovation, mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin?

La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), responsable du nouveau service de rendez-vous, est soudainement devenue intéressée par Bonjour-santé, plus spécifiquement par la technologie et les algorithmes utilisés, ainsi que par la liste de clients. Le prétexte est la nouvelle loi interdisant les frais accessoires. Pourtant, les consultations effectuées par le biais de Bonjour-santé demeurent gratuites. C’est le service de rendez-vous accéléré, optionnel, qui est payant.

Toutes ces manœuvres visant à réparer ce qui n’est pas brisé sont accomplies avec notre argent. Le président de Bonjour-santé y a vu à juste titre une « expropriation » de son marché par l’État.

Un tribunal a malheureusement donné raison à la RAMQ au début de l’été, confondant « l’intérêt public » avec celui du gouvernement. La RAMQ pourra donc continuer à harceler un entrepreneur qui a réussi là où bien des ministres ont échoué : améliorer le sort des patients, sans que ça ne coûte plus cher au contribuable.

Bonjour-santé méritait des félicitations, pas de se faire poursuivre et exproprier avec notre argent.

La barre est haute pour Rendez-vous santé Québec. Je suis curieux de voir si le service sera à la hauteur. Je note en attendant que l’échéancier de mise en service « d’ici l’automne 2017 » pour l’ensemble du Québec est déjà dépassé.

En terminant, j’ai tenté à plusieurs reprises pendant la rédaction de ce billet d’obtenir un rendez-vous médical pour la même journée, sur Bonjour-santé et sur Rendez-vous santé Québec. Je vous laisse deviner sur lequel des deux sites j’ai réussi…

Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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