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Textes d'opinion

Accès aux médicaments : un peu de compassion svp !

Votre enfant est atteint d’une maladie dégénérative potentiellement mortelle. Un médicament qui peut l’aider existe, mais il n’est pas approuvé au Canada. Combien de temps devriez-vous attendre avant qu’il soit soigné?

C’est une question cruelle à laquelle les parents de Zac Laftuska, un petit garçon de Lanaudière, ont dû faire face à l’automne 2016. Leur enfant est atteint d’amyotrophie spinale de type 2, une maladie qui s’attaque aux muscles, diminue la mobilité et entraîne parfois la mort, causée par des difficultés respiratoires.

Une bonne et une mauvaise nouvelles surviennent ensuite pour les parents de Zac. La bonne est qu’un médicament appelé Spinraza, qui peut stopper la progression de la maladie, est approuvé juste avant Noël. La mauvaise est qu’ils ne demeurent pas du bon côté de la frontière. Le Spinraza avait en effet été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA), aux États-Unis.

Comme le Spinraza n’était alors pas approuvé par Santé Canada, il ne pouvait pas être remboursé ici par nos régimes d’assurance médicaments. Le traitement coûte jusqu’à 750 000 $US la première année, et près de 400 000 $US les suivantes…

Santé Canada a finalement approuvé le médicament au début juillet cette année, un peu plus de six mois après les États-Unis.

L’attente n’est cependant pas terminée pour les patients canadiens atteints d’amyotrophie spinale, puisque les autorités provinciales doivent elles aussi donner leur aval, notamment l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux au Québec (INESSS). L’organisme indique dans le tableau disponible sous ce lien la quarantaine d’étapes que doit suivre un médicament avant d’être l’objet d’une décision. Il y a quelques jours, on en était à recueillir les commentaires des patients et des professionnels. Même advenant une recommandation favorable, l’attente n’est pas terminée, puisque le prix du médicament doit faire l’objet de négociations entre les provinces et le fabricant.

Rapide pour lancer, lent pour rembourser

Pendant que la bureaucratie suit son cours, les patients attendent, et eux et leurs proches souffrent inutilement. Malheureusement, le cas du Spinraza n’est pas une exception. Le Canada fait en effet piètre figure en ce qui a trait à la rapidité d’approbation des médicaments pour leur remboursement lorsqu’on le compare à d’autres pays de l’OCDE.

Le Canada est relativement rapide (90 jours) pour ce qui est de lancer un médicament approuvé, n’étant devancé que par le Japon, selon une étude examinant une vingtaine de pays développés. Par contre, le délai pour ajouter un nouveau médicament à la liste de remboursement des régimes provinciaux est en moyenne de 449 jours, ce qui place le Canada au 15e rang sur 20 dans l’étude mentionnée plus haut.

Qu’est-ce qui pourrait être fait? Rendre disponible un produit qui peut potentiellement guérir ou tuer n’est pas une décision banale. Un minimum d’intelligence et de sens pratique demanderait cependant que l’on profite des connaissances déjà acquises et des validations effectuées dans d’autres pays développés.

Ainsi, si la FDA, une organisation sérieuse qui bénéficie de ressources considérables a donné le go à un médicament, pourquoi refaire l’évaluation à partir de zéro chez nous? On devrait au minimum autoriser ce même médicament ici, quitte à faire ensuite nos propres vérifications, si on juge cela absolument nécessaire.

Idéalement, lorsque des pays comme les États-Unis, la France ou l’Angleterre considèrent qu’un médicament est efficace et sans danger pour le patient, on devrait simplement l’adopter ici aussi. Nos ressources pourraient ainsi être consacrées à examiner d’autres médicaments. Et des patients comme Zac Laftuska n’auraient pas à souffrir inutilement pendant des mois.

Enfin, il faut aussi faire confiance à la concurrence. Ceux qui dénoncent, souvent avec justesse, les travers du système de santé américain seront peut-être étonnés d’apprendre que plus de 170 régimes d’assurances privés et près d’une trentaine d’États (à travers le Medicaid) offrent déjà une couverture pour le Spinraza. Dans un marché concurrentiel, les assureurs ont en effet intérêt à continuellement élargir la couverture de leurs régimes afin de conserver leurs clients et en attirer des nouveaux. Les fabricants de médicaments, eux, ont intérêt à favoriser leur commercialisation et à s’entendre avec les assureurs, privés ou publics. 

Ainsi, quelque 80 % des patients américains couverts par une assurance privée et 60 % de ceux couverts par une assurance publique ont maintenant accès au Spinraza, la majorité du temps sans restriction. Ce n’est certes pas parfait, mais c’est tout de même mieux qu’ici.

Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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