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Textes d'opinion

Les millions d’Alexandre Taillefer

Le 14 octobre dernier, Alexandre Taillefer demandait à nouveau l’aide de l’État pour son entreprise Téo Taxi. Cette fois, il s’agit d’une requête pour augmenter la subvention à l’achat d’un taxi électrique. M. Taillefer voudrait obtenir 15 000 $, plutôt que les 8 000 $ actuels.

Il vaut la peine de rappeler ce que l’IEDM a démontré l’été dernier : les subventions à l’achat de véhicules électriques sont le pire moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Nos conclusions, qui n’ont pas été mises en doute et qui ont été reprises par de multiples médias partout à travers le monde, sont claires : alors que l’on peut réduire les émissions à un coût d’environ 18 $ la tonne de GES à l’aide de la bourse carbone, les subventions à l’achat de véhicules électriques coûtent 16 fois plus cher au Québec et 29 fois plus cher en Ontario, pour l’obtention d’un même résultat.

Dans sa plaidoirie, M. Taillefer mesure les bienfaits d’une hausse de la subvention à l’achat de taxis électriques. Prenons ses propres chiffres. Selon l’entrepreneur électrique, un taxi conventionnel émet 20 tonnes (t) de GES par an, comparativement à 2 t pour un taxi électrique, pour un gain de 18 t par année. Un taxi électrique durera peut-être 6 ans. Le gain en termes de GES est donc de 108 t (18 x 6). Si le gouvernement accède aux demandes de M. Taillefer, le coût par tonne de GES sera donc de = 139 $ (15 000 $/108 t), soit plus de sept fois le coût d’une tonne à la bourse carbone. Selon les chiffres de M. Taillefer, il faudrait donc que ses taxis roulent 45 ans (!), sans changement coûteux de batterie, pour faire tomber le coût par tonne à 18,50 $ et être équivalent à la bourse carbone.

Dans les faits, chaque taxi électrique donne déjà droit à plus de subventions, entre autres pour des bornes de recharge rapide. On peut donc conclure que le vrai coût par tonne de GES non émis est plus élevé que l’évaluation faite à partir des chiffres du dirigeant de Téo Taxi.

Comme l’écrivait le Globe and Mail en éditorial en juillet dernier : « Oui, cette subvention va diminuer les émissions. Elle le fait seulement de la manière qui apparaît la plus coûteuse et la plus inefficace qui soit, plutôt que de la façon la plus économique, c’est-à-dire une simple, ennuyeuse et légèrement désagréable taxe sur le carbone. Les voitures électriques sont une technologie formidable. Mais elles sont également devenues une façon d’exprimer une chose maintenant connue sous le nom d’ »affichage de vertu ». Un gouvernement qui veut avoir l’air vert voit une certaine logique à jeter de l’argent sur un symbole aussi emblématique. Mais ce qui en résulte est une politique qui rate la cible – et cet affichage reste essentiellement du bruit. » (Traduction libre)

Les subventions à l’achat de véhicules électriques sont une mauvaise politique publique. Augmenter ces subventions ne ferait que gaspiller encore plus d’argent des contribuables. Si M. Taillefer n’arrive pas à joindre les deux bouts avec son entreprise et qu’il a continuellement besoin de plus de fonds publics, peut-être qu’il devrait revoir son modèle d’affaires. C’est en tout cas ce que font les véritables entrepreneurs.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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