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Textes d'opinion

Le Québec en queue de train

Statistique Canada publiait le 13 septembre dernier des données, tirées du recensement de 2016, sur les revenus des ménages. On y apprenait que le revenu total médian des ménages québécois avait progressé de 8,9 % en termes réels (donc, au-dessus de l’inflation). Le revenu total comprend tous les revenus (de travail, de rente ou de transfert des gouvernements), mais n’est pas net des impôts. Sur le coup, on ne peut que se réjouir. En effet, si le revenu médian monte, ce ne sont pas que les riches qui voient leur sort s’améliorer.

Mais les bonnes nouvelles s’arrêtent là. En effet, sur la même période, le revenu médian moyen des ménages canadiens progressait de 10,8 %. En Alberta, de 24 %, en Saskatchewan, de 36,5 % et de 28,9 % à Terre-Neuve-et-Labrador. Le résultat ? Le Québec passe du 11e au 12e rang sur les 13 provinces et territoires au Canada, ne surpassant que le Nouveau-Brunswick. Les chiffres sont brutaux : alors que le revenu médian était de 59 822 $ par ménage au Québec en 2015, il se situait à 70 336 $ en moyenne au Canada. Dans les trois provinces qui produisent beaucoup de gaz naturel ou de pétrole, les données sont encore plus renversantes. Alberta : 93 835 $; Saskatchewan : 75 412 $; et Terre-Neuve : 67 272 $. Oui, même la pauvre Terre-Neuve nous a dépassés.

Encore pire, le revenu total médian ne donne qu’un portrait tronqué de la situation des ménages, car il est calculé avant impôts. Si on calcule plutôt le revenu personnel disponible, défini comme le revenu total net des impôts, la médiane québécoise nous situe au 13e et dernier rang de la fédération canadienne, à 26 857 $ (toujours en 2015).

Certains diront que le Québec s’en tire bien, car le coût de la vie y est plus faible qu’ailleurs au Canada. C’est en partie vrai, en raison des prix faibles pour l’électricité (une ressource unique et à bas coût) et l’immobilier. Mais dans ce dernier cas, les prix réduits des maisons au Québec sont en bonne partie le résultat de notre relative pauvreté, plutôt qu’un facteur de richesse. D’autres avanceront que la charge fiscale plus lourde sur les épaules des ménages québécois est compensée par de plus généreux programmes sociaux. Comme l’a montré Alain Dubuc, même le déficit de revenu total médian de 10 000 $ par ménage par rapport à la moyenne canadienne est beaucoup plus important que la valeur des programmes sociaux spécifiques à la Belle Province.

Comment expliquer un tel état de fait? Après tout, les régions plus pauvres, si elles bénéficient de bonnes conditions, devraient croître plus rapidement que les régions plus riches. Ce constat, appelé convergence des niveaux de vie par les macro-économistes, se vérifie un peu partout dans le monde. La Chine, l’Inde et beaucoup d’autres pays croissent à des taux inimaginables pour des pays développés. Dans l’Union européenne, les pays nouvellement admis rattrapent aussi les pays membres de longue date, beaucoup plus riches.

Qu’est-ce qui se passe donc au Québec pour nous empêcher de rattraper la moyenne canadienne, et qui nous fait nous enfoncer davantage? Un texte intéressant de William Johnson, publié récemment dans la Gazette, apporte un autre éclairage. À partir des données du même recensement fédéral, on y apprend que le revenu médian de travail des francophones (définis comme ceux qui parlent le plus souvent en français à la maison) est nettement sous la médiane canadienne. Rien de nouveau ici. Ce qui est plus étonnant, c’est que les francophones gagnaient plus que la médiane de leur province/territoire partout, sauf au Nouveau-Brunswick, en Alberta et au Yukon. Et dans ces deux derniers endroits, les francophones gagnaient tout de même largement plus que la médiane québécoise. Donc, ce sont les francophones du Québec qui font baisser le revenu de tous les francophones du pays. Pourquoi?

Comment se fait-il que les francophones réussissent très bien presque partout ailleurs au Canada, mais que le Québec, où ils sont majoritaires, fasse piètre figure? Il n’y a pas qu’une seule réponse à cette question, mais il est intéressant de tenter une hypothèse.

D’emblée, un aspect est frappant : les deux seules provinces où le secteur de la production de pétrole et de gaz est absent sont l’Île-du-Prince-Édouard et le Québec. Les trois provinces où ce secteur est le plus important, soit l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve, sont parmi celles où la croissance du revenu médian a été la plus forte entre 2005 et 2015 (de 24 à 36,5 %). Alors qu’on fait une large place à la production de ressources dans ces trois provinces, au Québec, l’atmosphère entourant les projets reliés aux ressources naturelles est délétère. En ce qui a trait au pétrole, l’Institut Fraser classait récemment le Québec au 95e rang sur 96 États sur le plan de l’attractivité de l’investissement, entre le Venezuela et la Libye.

Il y a du gaz naturel et du pétrole au Québec. Pendant que, presque partout ailleurs au Canada, on les exploite, au Québec, on se contente de regarder passer le train. Il est temps de se rendre compte que cette attitude est très coûteuse et contribue à maintenir le Québec dans une situation de pauvreté relative de plus en plus importante.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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