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Textes d'opinion

Réforme Morneau : l’équité fiscale, oui, mais en baissant les impôts!

La polémique continue d’enfler autour de la réforme de la fiscalité des petites entreprises annoncée en juillet dernier par le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau. Par cette réforme, le gouvernement prétend s’attaquer aux Canadiens à très hauts revenus qui profitent des règles de fiscalité des petites entreprises pour réduire leurs impôts. En effet, les revenus des petites entreprises sont imposés à 10,5 %, un taux bien plus bas que celui auquel sont imposés les très hauts revenus. Dans certaines circonstances bien définies, des contribuables à très haut revenu peuvent eux aussi parfois en bénéficier.

Il y a certainement des façons peu légitimes d’utiliser ces règles, mais il existe aussi des moyens tout à fait honnêtes d’en profiter. Qu’on puisse, par exemple, payer moins d’impôt en versant un salaire à ses enfants pourrait de prime abord sembler peu justifiable. Mais il faut savoir que le fisc encadre déjà ce genre de pratique avec une taxe spéciale.

D’ailleurs, certaines de ces pratiques sont aussi vieilles que notre système fiscal; il ne faut donc pas croire qu’on n’encadre pas déjà étroitement ces mesures, depuis le temps qu’elles existent. En fait, elles sont tellement bien encadrées qu’il ne s’agit plus d’évasion fiscale, mais d’une disposition en bon et due forme de la loi. On pourrait tout à fait continuer de les encadrer et interdire les débordements lorsqu’ils ont lieu avec des mesures spécifiques, et par exemple raffiner le fonctionnement de la taxe sur le partage des revenus. La réforme Morneau choisit plutôt de rendre les choses tellement compliquées que même ceux qui voudraient utiliser de telles mesures à bon escient seront découragés.

Il ne faut pas oublier que ces pratiques font partie intégrante de notre système fiscal et contribuent à attirer des créateurs d’entreprises et des innovateurs. C’est parce que les autres taux d’imposition sont extrêmement élevés, par exemple, que le fisc tolère (et encourage parfois!) leur utilisation. Le Québec, par exemple, est l’un des endroits avec les impôts les plus élevés au monde.

D’ailleurs, une chronique dans le Globe and Mail de mardi dernier rappelle que les créateurs d’entreprises innovantes et de haute technologie utilisent ces pratiques pour attirer les investisseurs. Sans elles, ces entreprises ne se créeraient pas à Montréal, ni à Toronto, ni à Vancouver, mais là où la fiscalité est plus accueillante à leur égard.

Bien entendu, ces investisseurs doivent payer leurs impôts comme tout le monde, et lorsqu’on gagne plus d’argent, il est tout à fait normal de contribuer plus, dans l’absolu, aux impôts. Mais il faut aussi tenir compte du fait qu’il est extrêmement facile d’investir ces sommes ailleurs. Les États-Unis, par exemple, ont de nombreux atouts à offrir (on pense par exemple à la Silicon Valley), qui seront rendus d’autant plus alléchants si les impôts que paient les entreprises augmentent au Canada. Nous n’aurons rien gagné si elles décident plutôt d’investir ailleurs.

Il existe pourtant une autre façon d’avoir une fiscalité plus équitable tout en étant accueillante envers les entrepreneurs et investisseurs, à laquelle le gouvernement pourrait s’atteler dès maintenant : on pourrait diminuer les impôts que paient tous les Canadiens. C’est un vaste projet qui suppose de ralentir la croissance des dépenses d’Ottawa, alors qu’elles explosent actuellement. Pour ce faire, Ottawa pourrait s’inspirer du Québec qui, après avoir ralenti la croissance de ses dépenses publiques, connaît aujourd’hui un boom économique et des taux de chômage historiquement bas. Grâce à ce dynamisme, le ministre québécois des Finances annonçait il y a quelques jours qu’il envisageait de réduire les impôts l’an prochain.

La rhétorique du gouvernement fédéral, qui promet de faire payer les plus riches peut être alléchante pour beaucoup de gens, mais il faut comprendre qu’en matière de politiques publiques, tout est question de compromis. Si, pour gagner une once d’équité fiscale, vous en perdez dix en investissements, le compromis n’en vaut tout simplement pas la peine.

Mathieu Bédard est économiste à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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