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Textes d'opinion

Le gaspillage des subventions aux voitures électriques

L’Ontario et le Québec prévoient dépenser plusieurs centaines de millions de dollars pour convaincre les automobilistes de passer à l’électrique. Les mesures en place sont certainement intéressantes pour les acheteurs de voitures électriques. Le problème est qu’elles sont insignifiantes d’un point de vue environnemental.

Insignifiantes, mais néanmoins coûteuses : les deux provinces encouragent l’achat d’une voiture électrique et celui d’une borne de recharge par le versement de subventions totalisant 14 750 $ en Ontario, et 8600 $ dans le cas du Québec.

Chaque fois qu’un véhicule électrique en remplace un à essence, il permet d’éviter des émissions de gaz à effet de serre (GES). Sur la vie utile d’une voiture, soit environ 10 ans, cela représente environ 28,2 t de GES non émises en Ontario, et 29,9 t de GES au Québec, où l’électricité provient presque entièrement de la filière hydraulique.

On peut donc calculer le coût de chaque tonne de GES de serre non émise grâce aux programmes provinciaux en divisant le coût de la subvention par la quantité d’émissions évitées.

On en arrive alors à un coût de 523 $ par tonne en Ontario et de 288 $ par tonne au Québec.

Mais le coût réel est probablement bien plus élevé.

La raison principale est qu’un certain nombre d’acheteurs de véhicules électriques en auraient fait l’achat même en l’absence de subventions. Une étude évalue que ce serait le cas pour la moitié des acheteurs au Québec. C’est probablement encore plus vrai pour les subventions versées aux acheteurs de voitures de luxe (en Ontario, un acheteur de Tesla est aussi subventionné que celui d’une Volt). Cela signifie que la moitié de ces subventions, qui totaliseront des centaines de millions dans quelques années, est faite en pure perte.

Vingt-neuf fois le prix à la Bourse du carbone

Gardons nos lunettes vertes, et supposons que nos estimations de 523 $ par tonne de GES non émise en Ontario et de 288 $ par tonne au Québec représentent le coût réel, et que chacune des subventions touche la cible en contribuant au remplacement d’une voiture à essence par une voiture électrique. Le prix payé reste très élevé par rapport au résultat obtenu et aux autres solutions existantes pour réduire les émissions de GES.

Sur le marché nord-américain du carbone, qui regroupe la Californie, le Québec et, bientôt, l’Ontario, le prix par tonne de GES, donc le coût marginal pour une entreprise pour éliminer cette tonne, était de 18,51 $ lors des plus récentes enchères.

Le gouvernement fédéral, lui, taxera le carbone au taux de 10 $ la tonne en 2018 et le fera monter à 50 $ en 2022.

En subventionnant l’achat de voitures électriques, le gouvernement ontarien se trouve à débourser 29 fois le prix à la Bourse du carbone, et 52 fois celui de la future taxe fédérale lors de son entrée en vigueur l’an prochain. Pour le Québec, c’est environ de 16 à 29 fois ces prix. Même si on considère le niveau de la taxe carbone à son maximum, soit 50 $ en 2022, les subventions aux véhicules électriques restent la solution la plus coûteuse, et de loin.

Quel impact ?

Une autre façon de démontrer l’inefficience de ces programmes est d’évaluer la part d’émissions de GES qui seront éliminées grâce au remplacement des véhicules à essence par des véhicules électriques. Même si le gouvernement du Québec réalisait son objectif d’avoir 1 million de véhicules électriques sur les routes d’ici 2030 (et que cela n’incluait aucun hybride), ceux-ci ne permettraient d’éviter, dans le meilleur des cas, que 3 Mt de GES annuellement, soit 3,6 % des émissions au niveau actuel, à un coût total de 4,6 à 8,6 milliards de dollars. En comparaison, la nouvelle cimenterie – largement subventionnée – de Port-Daniel émettra à elle seule près de 1,8 Mt de GES par an…

Le résultat ne serait pas plus reluisant en Ontario. En supposant qu’on y atteigne proportionnellement les mêmes objectifs que le Québec s’est fixés (et qui sont plus exigeants), l’Ontario ne pourrait espérer éliminer par ce moyen plus de 4,1 Mt de GES par an d’ici 2030, soit 2,4 % de ses émissions actuelles. Une goutte d’eau dans l’océan.

Dans la mesure où la réduction des GES devient une priorité, l’innovation qui émerge naturellement par le marché demeure la voie à favoriser. Si nos législateurs estiment qu’il doit y avoir des incitations additionnelles, tarifer le carbone par une taxe ou une Bourse crée moins de distorsions dans l’économie que subventionner l’achat de voitures électriques, qui coûte cher et donne peu de résultats.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM, Mark Milke est analyste de politiques publiques indépendant. Ils sont les auteurs de « Les subventions aux voitures électriques sont-elles efficientes? » signent ce texte à titre personnel.

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