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Textes d'opinion

Neuf choses à savoir sur la gestion de l’offre

La semaine dernière, le président Trump et le premier ministre Trudeau ont discuté explicitement des barrières au commerce entre le Canada et les États-Unis, dont celles qui mettent notre industrie laitière à l'abri de toute compétition étrangère. Il s'agit d'une excellente occasion de rappeler quelques données fondamentales à propos du régime de gestion de l'offre, ainsi que certains de ses effets pervers.

1- La gestion de l'offre coûte cher pour tout le monde

La population canadienne paie, chaque année, plus de trois milliards $ en trop pour son lait, sa volaille et ses œufs en raison de ce système. Cet estimé ne provient pas de l'IEDM mais plutôt d'une organisation internationale réputée, à savoir l'Organisation de coopération et de développement économiques. D'autres estimations vont jusqu'à six milliards $ par an.

2- La gestion de l'offre appauvrit les plus pauvres

Les ménages canadiens faisant partie du quintile le plus pauvre paient environ 340 $ de plus par an pour faire leur épicerie que s'il n'y avait pas eu de gestion de l'offre. Concrètement, cela a pour effet de rabaisser sous le seuil de pauvreté de 130 000 à 190 000 Canadiens. De plus, le revenu moyen des fermiers canadiens sous gestion de l'offre va de 148 000 $ (lait) à 180 000 $ (volaille et œufs). Celui des autres ménages canadiens est de 81 300 $. Et cet écart de revenu en faveur des fermiers par rapport à la moyenne canadienne ne tient même pas compte de la valeur moyenne nette de leurs actifs, qui atteignent respectivement 3,8 et 5,8 millions $. Dans ce cas précis, la gestion de l'offre revient à redistribuer le revenus de gens moins fortunés vers des gens relativement plus fortunés.

3- La plupart des agriculteurs ne sont pas soumis à la gestion de l'offre

Près de 90 % des fermes canadiennes fonctionnent déjà hors de la gestion de l'offre. En effet, sur plus de 100 000 producteurs canadiens, environ 12 300 seulement opèrent sous le régime de la gestion de l'offre, principalement dans le secteur laitier. La quasi-totalité de la production agricole est donc soumise aux réalités du marché et à la concurrence et ne s'en porte pas plus mal. Bref, il est totalement faux de prétendre que l'on ne peut opérer une entreprise agricole au Canada en l'absence du système de gestion de l'offre.

4- La gestion de l'offre nuit aux nouveaux agriculteurs

Au Québec, où le prix du quota représente près de la moitié de la valeur totale d'une exploitation laitière, on vous demander pratiquement d'acheter votre ferme deux fois : une première fois pour la posséder, et une autre pour avoir le droit de produire du lait. Tout cet argent dépensé pour l'acquisition des quotas est autant d'argent qui ne sera pas investi dans de l'équipement, des animaux, des améliorations technologiques, bref tout ce qui permet de faire croître et de rentabiliser une exploitation.

5- La gestion de l'offre nuit aussi aux agriculteurs établis

En plus de rendre l'investissement agricole moins intéressant, de compliquer le transfert d'entreprise et de décourager la relève, la gestion de l'offre est aussi néfaste, à certains égards, pour les agriculteurs établis. Le producteur de lait ou de volaille qui fait des gains de productivité se trouve pris avec un problème : il doit racheter des quotas afin d'avoir le droit de vendre ce qu'il a réussi à produire en plus ou réduire sa production. On conviendra qu'il ne s'agit pas là de la meilleure façon de stimuler l'innovation…

6- La gestion de l'offre empêche la croissance de l'industrie laitière

Il y a trente ans, la Nouvelle-Zélande et le Canada avaient des productions laitières à peu près équivalentes. Celle du Canada n'a presque pas bougé, tandis que celle de la Nouvelle-Zélande, libéralisée, a pratiquement triplé, et le pays fournit maintenant à lui seul le tiers des exportations mondiales. Les secteurs sous la gestion de l'offre regardent passer le train pendant qu'une classe moyenne émerge partout sur la planète et que les besoins alimentaires augmentent.

7- La gestion de l'offre nuit à l'économie dans son ensemble

Chaque fois qu'il est question d'ouvrir des marchés étrangers pour la production canadienne, par exemple lors de la négociation d'accords de libre-échange, la gestion de l'offre revient sur la table. Comment pouvons-nous exiger de pouvoir vendre nos produits ailleurs si nous refusons la réciproque? Lorsque nous maintenons ou mettons en place des barrières commerciales, nous donnons des arguments à ceux qui veulent faire de même envers nous. Récemment, le président américain et son ministre du Commerce ont tous deux lié la question de la gestion de l'offre dans le secteur laitier au dossier du bois d'œuvre. Et le président Trump a annoncé que les producteurs canadiens de bois d'œuvre exportant aux États-Unis auront dorénavant à payer des tarifs d'environ 20 %.

8- La gestion de l'offre ne permet pas la survie des fermes familiales

Plus de 90 % des fermes canadiennes ont disparu depuis 1971, lorsque le régime de gestion de l'offre a été mis en place. L'objectif de sauvegarde des petites fermes n'a donc pas fonctionné. Heureusement, d'ailleurs. La consolidation est un phénomène économique naturel qui ne se limite pas aux entreprises agricoles. Dans le cas de l'agriculture en particulier, c'est une bonne chose. Il y a 150 ans, la moitié des travailleurs nord-américains gagnaient leur vie sur une ferme. Aujourd'hui, c'est moins de 2 %. À mesure que la productivité agricole augmente, nous consacrons davantage de ressources à produire autre chose que ce que l'on mange, ce qui nous enrichit collectivement.

9- Les agriculteurs seront indemnisés

D'abord, précisons que la vie agricole est déjà difficile pour les plus petits producteurs, particulièrement ceux qui ont dû acheter leurs quotas de production récemment (et emprunter pour le faire). Ensuite, l'abolition des quotas de production suppose évidemment une indemnisation. En Australie, par exemple, le rachat des quotas a été financé par une taxe temporaire, qui a tout de même permis aux consommateurs de bénéficier rapidement de prix plus bas et d'indemniser justement les producteurs. Nous pouvons faire la même chose ici.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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