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Textes d'opinion

Jacques Daoust, Rona, les Américains et les Ouzbeks

La saga à propos du rôle qu'a joué Jacques Daoust dans l'autorisation de la vente du quincaillier Rona a fait couler une incroyable quantité d'encre et, c’est le moins qu’on puisse dire, attise les passions.

Mais au-delà du fait de savoir si M. Daoust a menti ou non, il est grand temps de parler ici de quelques principes de base que presque tout le monde semble avoir oubliés.

Voyons voir. Si j'achète une pomme, et que j'en suis le propriétaire légitime, je peux choisir de la vendre à un Québécois qui porte, tous les jours, une ceinture fléchée. Mais je peux aussi décider de la vendre à un Ouzbek, ou encore à un américain.

Si j'achète un banjo, et que j'en suis le propriétaire légitime, je peux choisir de le vendre à un Québécois qui porte, tous les jours, une ceinture fléchée. Mais je peux aussi décider de le vendre à un Ouzbek, ou encore à un Américain.

Si j'ai acheté les actions d'une compagnie (un quincaillier par exemple, mais le principe ici exposé serait aussi valable s'il s'agissait d'un fabriquant de banjo ou d'aéronefs), et que j'en suis le propriétaire légitime, je peux choisir de le vendre à un Québécois, un Ouzbek, un Tanzanien, voire même… à un Américain!

Vous pigez?

Or, les propriétaires légitimes de la majorité des actions de Rona ont choisi, librement, de les vendre à une entreprise dont le siège social est aux États-Unis. Aux nationalistes chez qui cela crée une crise d'apoplexie, je dis : vous n'aviez qu'à acheter des actions de Rona en grande quantité, et vous faire un pacte avec vous-même de ne jamais vendre vos actions à de méchants Américains, et ce même si le management québécois en place vous procure un mauvais rendement sur votre investissement. Cela serait stupide comme comportement, mais l'on a parfaitement le droit de gaspiller sa propriété, voire même de la détruire, si cela nous chante. 

Oui, mais Investissement Québec (IQ) dans tout ça, diront certains? Investissement Québec est une patente qui perd généralement de l'argent (en tout cas en comparaison avec ce que ferait un investisseur moyen obtenant des investissements moyens). Si, pour une fois, IQ a décidé de prendre une décision optimale d'un point de vue du rendement, je dis bravo!

Oui, mais la Caisse de dépôt dans tout ça, diront certains? Avec la quasi-inversion de la pyramide d'âge qui est graduellement en train de s'opérer, une préoccupation, notamment pour la Régie des rentes (RRQ), est de savoir s'il y aura encore de l'argent pour ceux qui prendront leur retraite dans 20, 25 ou 30 ans. Or, la seule façon de s'assurer que nous ayons les fonds nécessaires, tout en évitant par ailleurs des hausses constantes ou excessives de nos taux de cotisation, est, justement, que la Caisse obtienne de bons rendements. C'est-à-dire, justement, qu'elle dispose de la liberté voulue pour vendre des investissements à un prix plus élevé que le prix d'achat initial. Ce qui fut le cas, et de belle façon, avec la vente de Rona.

Oui, mais n’allons-nous pas, dans ce cas, devenir une économie de « porteurs d'eau »? Une juridiction de filiales? Ah… Bravo! Très bonne question, vous répondrais-je. L'avenir de l'entrepreneuriat et de la relève entrepreneuriale au Québec vous préoccupe? Et bien moi aussi, ça me préoccupe! Parlons-en! C'est là, en effet, une question clé. Et il y a, effectivement, bien des choses à améliorer en termes de fiscalité (notamment quant à la taxation des gains en capitaux) ainsi qu'en termes de réglementation excessive, ou encore quant à notre mentalité face à l'argent et au capitalisme.

Toutefois, empêcher nos actionnaires (privés ou institutionnels) d'aller chercher une prime importante sur LEURS investissements ne fait pas partie de la solution.

Jacques Daoust est peut-être un menteur, ou peut-être pas. Je n'en sais strictement rien. Mais ce que je sais, c'est que c'est mon droit le plus strict de vendre ma pomme, mon banjo ou encore mes actions de Rona à qui bon me semble. Un point c'est tout.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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