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Textes d'opinion

L’échec prévisible du Fonds vert, ou comment choisir les pires projets

Dans l’édition d’aujourd’hui de La Presse, il est question d’un fonds du gouvernement qui fait un peu n’importe quoi, qui n’est pas du tout efficace, qui ne parvient même pas à dépenser l’argent qui s’accumule (c’est rare de voir de l’argent qui ne se dépense pas au gouvernement!) et qui nuit probablement à son objectif principal. C’est grave! Surtout que l’équipe du Vérificateur général du Québec avait déjà critiqué durement (et à plusieurs reprises) ce fonds auparavant.

Il s’agit du Fonds vert, qui a reçu des milliards de dollars depuis sa création en 2006 et dont les « fiches de suivi » des projets ont été étudiées, grâce notamment au Parti québécois. Le Fonds vert est financé par le marché du carbone mis en place par le gouvernement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec, en partenariat avec la Californie. Dans votre quotidien, cela se traduit surtout par une augmentation du prix de l’essence.

Payer plus cher son essence n’est jamais agréable, mais l’idée d’un marché du carbone peut avoir du bon. Avouez que cela vous surprend de ma part! Je reconnais pourtant qu’il y a de vrais avantages à mettre en place une taxe sur le carbone (comme en Colombie-Britannique) ou un marché du carbone (Québec et Californie… et bientôt en Ontario). En gros, comme le prix des énergies fossiles est plus élevé, les entreprises et les consommateurs s’arrangent pour l’économiser davantage. Si une entreprise peut investir dans un nouveau procédé industriel pas trop cher pour économiser sur les coûts, elle va étudier le projet et le faire puisque cet investissement devient économique.

Évidemment, on aurait pu se dire qu’on allait engager une armée de fonctionnaires qui allaient débarquer dans les entreprises québécoises pour faire tous ces calculs, les présenter aux entreprises et les convaincre de réaliser tous ces projets à coups de subventions. Un tel processus aurait mobilisé des milliers de personnes, aurait coûté horriblement cher et aurait pris des années. À la fin, on n’aurait probablement pas identifié les meilleurs projets, ou de meilleurs projets seraient apparus entre-temps. Et il aurait fallu reprendre tout le processus avec tous les consommateurs. Un casse-tête gigantesque! Or, le marché du carbone fait tout ça bien plus simplement, en misant directement sur les entreprises et les consommateurs qui, eux, savent s’ils feront des économies ou pas. Problème réglé, et d’élégante façon.

C’est précisément ça, l’avantage du marché du carbone québécois. La grande contradiction du Fonds vert apparaît dans toute sa splendeur lorsque l’argent prélevé par le marché du carbone finance… une armée de fonctionnaires chargés de déterminer les meilleurs projets pour réduire les GES! Justement le casse-tête qu’on devait s’éviter.

L’échec du Fonds vert sur le plan de la réduction des émissions de GES n’a donc rien de surprenant. Non seulement cet échec avait-il été prédit, mais il représente la conséquence toute naturelle d’une importante leçon de l’économie popularisée par Hayek, Buchanan et Coase. Une leçon économique que le gouvernement du Québec a fait semblant d’oublier. Les politiciens et les fonctionnaires ne sont pas les bonnes personnes pour choisir les projets de réductions des GES à financer. Ils n’ont pas la bonne information au bon moment (Hayek), ils ont leurs propres intérêts qui les incitent à détourner les objectifs du Fonds vert vers ce qu’eux-mêmes privilégient (Buchanan) et le résultat de leur travail n’atteint pas sa cible de manière optimale (Coase).

Après dix ans d’existence, plus personne n’a d’excuses au gouvernement et aucune réforme de la gouvernance du Fonds ne changera le fond du problème. Il est temps pour le ministère de l’Environnement de faire preuve d’humilité et d’enfin reconnaître que ce sont les Québécois sur le terrain qui savent mieux que les fonctionnaires comment changer leurs habitudes et leurs émissions de GES de la manière la plus efficace.

Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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