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Textes d'opinion

Walmart sans Visa prouve que la concurrence se porte bien

Certains magasins Walmart situés en Ontario ont cessé ces derniers jours d'accepter les cartes de crédit Visa à la suite d’un désaccord au sujet des frais d’interchange associés à ces cartes qui sont payés par les magasins. L'état de la concurrence sur les marchés des cartes de crédit est critiqué depuis longtemps par certaines associations de commerçants et un projet de loi fédéral a été récemment déposé, visant à plafonner ces frais. Pourtant, la décision de Walmart prouve que la concurrence est vigoureuse sur le marché des cartes de crédit.

L’idée qu’il n’y a pas suffisamment de concurrence entre les opérateurs de cartes de crédit est un mythe qui subsiste depuis longtemps. Ce mythe a été récemment utilisé comme excuse pour menacer de réglementer davantage les programmes de récompenses. Il est étrange qu’il persiste à une époque où toutes sortes d’alternatives émergent et prennent de l’essor, comme les cartes de paiement spécifique à certains magasins, les innovations financière parfois appelées « fintechs » comme Bitcoin, ou encore les solutions de rechange comme Apple Pay.

Le fait que Walmart soit en mesure d'arrêter d'accepter les cartes Visa, historiquement la carte de crédit la plus populaire, en dit long sur le pouvoir de marché présumé des sociétés de cartes de crédit. Il n’est tout simplement pas si important que ça. Vous avez un pouvoir de marché important lorsque vous êtes incontournable, pas quand les commerçants peuvent se débarrasser de vous pour réduire leurs coûts.

Qu’une grande entreprise renonce à un type particulier de carte peut faire partie d'un processus concurrentiel sain. Mais lorsque c’est le gouvernement qui plafonne certains frais par la voie de la législation n’améliore pas la situation de la concurrence. Bien qu'il n'y ait pas de doute qu'une société importante et prospère comme Walmart ait fait ses devoirs et pense maintenant qu’elle peut vivre sans Visa, les frais de cartes de crédit payées par les commerçants financent une foule d'avantages.

Non seulement les commerçants acquièrent-ils la capacité de mieux servir les utilisateurs des dites cartes de crédit, mais ils obtiennent aussi une protection contre la fraude et une garantie de recevoir le paiement, le transfert immédiat des fonds, une plus grande sécurité puisqu’il y a moins d'argent dans la caisse, et une simplification de la comptabilité grâce au traitement électronique des données.

Il existe de nombreux exemples de pays qui ont plafonné les frais d’interchange des cartes de crédit. La plupart du temps, cela a été accompagné d'une promesse que les prix baisseraient pour le consommateur. Cela ne s’est jamais matérialisé dans aucun des endroits qui ont adopté ces politiques. Ce qui est par contre arrivé, c’est que les frais annuels payés directement par le consommateur ont augmenté.

En Australie, les frais annuels pour les cartes de crédit de base ont augmenté de 22 %, et ceux pour les cartes avec un programme de récompenses de 77 %, alors que la valeur des récompenses a chuté d'un quart. En Espagne, les frais moyens annuels ont augmenté de 11 euros et les taux d'intérêt ont également augmenté. Aux États-Unis, alors que 76 % des comptes chèques offerts par les banques étaient gratuits en 2009, cette proportion est tombée à 38 % en 2013, après que la nouvelle loi soit entrée en vigueur.

Ces changements étaient prévisibles. Sans revenus provenant des frais d’interchange, les institutions financières doivent trouver de nouvelles façons de financer le fonctionnement du système de paiement.

Aux États-Unis, les effets pervers d’une mauvaise législation peuvent tout particulièrement servir de mise en garde. Une loi similaire à celle récemment introduite à la Chambre des communes a fait en sorte que les frais d’interchange sur les petites transactions ont explosé. Puisque les frais sont maintenant calculés de la même façon peu importe le montant de la transaction et qu’ils comportent une part de frais fixe et une part variable en fonction de la valeur de la transaction, ils ont augmenté jusqu’à 1000 % pour les plus petites transactions et sont maintenant négligeables pour les gros montants. Les vendeurs d’items dispendieux ont été les grands gagnants de cette réforme, puisque le financement du système de paiement a été déplacé de façon disproportionnée vers les magasins qui vendent des articles peu coûteux.

Les interventions du gouvernement dans l’économie ont souvent des effets inattendus qui vont à l’encontre des intérêts de ceux qu’on souhaite aider. Chercher à aider les consommateurs canadiens en réglementant les frais des cartes de crédit entraînerait assurément des effets pervers à leur détriment, comme cela a été le cas ailleurs dans le monde.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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