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Textes d'opinion

Pancartes et slogans pour une éducation de second rang

Traduction d’un texte d’opinion paru dans The Gazette publiée en exclusivité sur ce site.

À partir de l’automne 2012, les étudiants universitaires verront leurs droits de scolarité augmenter de 325 $ par année pendant cinq ans. En 2016-2017, cela représentera un apport supplémentaire de 265 millions de dollars aux universités qui en avaient bien besoin, après tant d’années de sous-financement. Les étudiants paieront certes plus cher en moyenne, mais en contrepartie leur éducation s’en trouvera améliorée et leur permettra d’accéder à des revenus beaucoup plus élevés que leurs concitoyens qui ne possèdent pas de diplôme universitaire.

Groupes sociaux contre les 99 %

Le mouvement étudiant se bat contre cette hausse au nom de l’accessibilité aux études universitaires, tout comme les différents groupes sociaux appuyant leur lutte. Toutefois, se rendent-ils compte que des droits de scolarité uniformément bas représentent au contraire un transfert de richesse… vers les plus riches?

Ce sont les indignés d’Occupons Montréal qui ne doivent pas être contents, eux qui campent pour la redistribution de la richesse des plus riches vers les plus pauvres!

Le lien entre l’accessibilité aux études et les frais de scolarité est au mieux ténu. Les obstacles financiers n’expliquent qu’une petite partie de la scolarisation universitaire plus faible des étudiants issus d’une famille pauvre.

Selon Statistique Canada, avec des frais de scolarité moyens de 5366 $ dans l’ensemble du Canada, on retrouve 62 jeunes issus de familles plus pauvres pour 100 jeunes issus de familles aisées. Au Québec seulement? La proportion n’est que de 44 pour 100, malgré des frais moitié moins chers (2519 $). Il manque donc 18 étudiants provenant des milieux moins nantis pour rejoindre la moyenne canadienne. Les droits de scolarité très faibles pour tous, même pour les plus riches, n’ont pas garanti l’accessibilité à ces 18 jeunes.

Des droits de scolarité uniformément bas équivalent à donner le même coup de pouce à tous les étudiants, peu importe leurs moyens financiers. L’accessibilité exige plutôt de diriger l’aide vers ceux qui en ont vraiment besoin, comme cela se fait avec les prêts et bourses.

Combien payer pour un billet de loterie gagnant?

Comme les droits de scolarité bas ne sont pas un facteur décisif pour la fréquentation, certains pointent désormais du doigt l’endettement étudiant.

Étudier est d’abord un choix personnel qui profite à l’étudiant lui-même. Poursuivre son éducation s’avère être dans la vaste majorité des cas une excellente décision qui permet à terme d’améliorer son sort. Les chiffres varient quelque peu d’une étude à l’autre, mais dans l’ensemble, on estime que le titulaire d’un baccalauréat gagnera près d’un million de dollars de plus au cours de sa vie qu’un diplômé du secondaire.

Toutefois, pour en tirer les bénéfices, il y a un investissement à faire, en temps et en argent. Le fait de devoir s’endetter pour étudier n’est pas une mauvaise chose en soit. Investir (ou s’endetter de) 14 000 $ pour gagner un million de dollars reste une excellente affaire.

Pour l’accès à une éducation de qualité

Le véritable danger que courent actuellement les universités québécoises n’est pas l’accessibilité, mais plutôt de voir se dégrader la qualité de l’enseignement. C’est une tendance pernicieuse, car moins visible. En Allemagne, la plupart des États (Länder) offrent l’université gratuite, mais aucune université allemande ne figure parmi les meilleures institutions au monde. Une éducation médiocre, ça ne coûte pas cher, mais est-ce vraiment ce qu’on souhaite à nos jeunes?

Quand les diplômés québécois ne pourront plus rivaliser avec ceux d’ailleurs en Amérique du Nord, l’accès à une formation universitaire de qualité n’existera plus au Québec!

On devrait transmettre ce message aux étudiants contestataires : au lieu d’envahir les rues pour une éducation de second rang, avec pancartes et slogans, manifestez pour la qualité de votre éducation, pour que le diplôme que vous obtiendrez au bout de plusieurs années d’efforts, tant intellectuels que financiers, soit reconnu comme un gage de qualité.

Youri Chassin et Germain Belzile, respectivement économiste et directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal.

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