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Textes d'opinion

Un débat devenu nécessaire

Lors de leur congrès tenu au début du mois, les délégués de l’Union des producteurs agricoles (UPA) ont choisi de faire des pressions pour protester contre l’intention du gouvernement de réduire les coûts de La Financière agricole du Québec. Le litige porte sur l’exclusion des coûts des fermes les moins performantes pour calculer les indemnisations à verser aux agriculteurs. Alors que le ministère de l’Agriculture du Québec envisage une nouvelle politique agricole et qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada doit renouveler l’an prochain ses plans quinquennaux, il est pertinent de s’interroger au sujet des politiques actuelles.

L’industrie agricole et agroalimentaire a reçu 7,9 milliards de dollars d’aide gouvernementale au Canada pour l’exercice 2008-2009, soit près de 31 % du PIB du secteur. Qui plus est, les mesures mises en place pour aider les agriculteurs génèrent de nombreux dommages collatéraux. En voici les principales composantes :

  • La gestion de l’offre limite les quantités de lait, d’œufs et de volaille produites et importées au Québec et fait en sorte que le prix des produits à la ferme dans les secteurs où elle s’applique est l’un des plus élevés au monde (par exemple, le prix du lait à la ferme était au Canada le plus élevé parmi les pays développés après celui du Japon et de la Norvège en 2009). Pour maintenir ce système, des tarifs douaniers très élevés doivent être mis en place, jusqu’à 298,5 % pour le beurre par exemple. L’appui à la gestion de l’offre dans les négociations commerciales mine la crédibilité du Canada, qui a l’un des plus grands degrés d’ouverture aux marchés mondiaux et préconise normalement une politique de libéralisation des échanges.
  • La mise en marché collective (« plans conjoints ») constitue un monopole légal de ventes de produits agricoles à la sortie de la ferme accordé à des fédérations de producteurs. Comme tout monopole, il conduit à des abus qui nuisent aux consommateurs (notamment par des prix plus élevés et par une réduction des choix) et, à long terme, aux producteurs eux-mêmes en les rendant moins compétitifs.
  • L’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), géré par La Financière agricole du Québec, vise à assurer un revenu net au producteur en lui garantissant un prix minimum pour sa production. Le coût de ce programme est en croissance ininterrompue depuis sa création. La Financière agricole absorbe actuellement 62 % des dépenses du ministère québécois de l’Agriculture.

Il y a lieu de préconiser des politiques dont l’objectif n’est pas de subventionner le revenu des entreprises agricoles. D’ailleurs, la valeur nette moyenne d’une ferme atteint près de 1,3 million de dollars au Canada. Il s’agit plutôt d’appuyer l’entrepreneuriat pour rendre les agriculteurs plus concurrentiels et leur permettre de tirer leur revenu du marché. Une telle évolution est cependant difficilement concevable aussi longtemps que les politiques agricoles seront le fruit de négociations exclusives entre le lobby agricole et les gouvernements. Voilà pourquoi un débat public à ce sujet est nécessaire.

Mario Dumais est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal, commissaire à la Commission Pronovost et ex-directeur des publications à l’UPA.

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