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Textes d'opinion

Pour l’équité, il faut moduler les droits de scolarité

La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, a convié les acteurs du milieu universitaire à discuter du financement et de l’accessibilité universitaires le 6 décembre prochain. Il faut saluer cette initiative qui a pour objectif de réfléchir à des mesures pour assurer la qualité de l’enseignement universitaire au Québec. La pierre angulaire des discussions portera à n’en pas douter sur le mode de financement optimal des universités.

D’entrée de jeu, il faut rappeler qu’une hausse des droits de scolarité ne réduit pas l’accessibilité aux études supérieures. Malgré des droits de scolarité beaucoup plus bas au Québec, le taux de participation aux études universitaires se situe dans la moyenne canadienne. Alors que la Nouvelle-Écosse et l’Ontario ont à la fois des droits de scolarité et un taux de fréquentation universitaire plus élevés. Par conséquent, d’autres facteurs beaucoup plus déterminants – comme les résultats scolaires, les coûts connexes à l’éducation, le logement, l’alimentation, l’éducation et le revenu des parents – entrent en jeu dans la décision de poursuivre ou non des études supérieures. Ces facteurs jouent en faveur des étudiants provenant de familles aisées et c’est pour cette raison que ces derniers fréquentent davantage le réseau universitaire. Le gel des droits de scolarité est donc un cadeau à des jeunes issus de familles bien nanties. En effet, leur investissement en capital humain est littéralement subventionné par le biais de faibles droits de scolarité – alors qu’ils sont déjà prédisposés à réaliser cet investissement.

Il est à souhaiter que les discussions à venir ne se cantonnent pas entre les acteurs favorables à une hausse générale des droits de scolarité et les acteurs qui s’opposent farouchement à tout dégel. Ce débat est stérile. S’il y a une chose qui rendrait véritablement plus équitable le financement universitaire, ce serait de permettre aux universités de déterminer elles-mêmes leurs droits de scolarité et de leur laisser la possibilité d’en moduler le montant selon les programmes.

Actuellement, les frais de scolarité sont uniformes – c’est-à-dire qu’ils sont identiques indépendamment du programme d’études et des coûts de la formation. Puisque les coûts de formation varient grandement (selon une étude récente du CIRANO, former un étudiant en santé coûte trois fois plus cher qu’en sciences sociales), la proportion des coûts assumée par l’étudiant est bien moins importante dans les programmes plus coûteux. De plus, le rendement moyen d’un diplôme en sciences sociales, mesuré notamment par le salaire tout au long de la vie d’une personne, est inférieur à celui d’un diplôme en médecine. Par exemple, un diplômé en sciences sociales aura un rendement privé d’environ 19% comparativement à plus de 30 % pour un diplômé de médecine. Comme ils auront payé tous les deux les mêmes droits de scolarité, le gouvernement aura dans les faits subventionné davantage le diplômé en médecine, dont les perspectives de revenu sont meilleures, que son collègue en sciences sociales.

Au Québec, le gouvernement consacrera 2,9 milliards de dollars en 2010-2011 pour l’enseignement et la recherche universitaire. Pourtant, les universités québécoises estiment avoir besoin de 500 millions de dollars par année pour que leur budget de fonctionnement soit équivalent à celui des autres universités canadiennes. Il faut tourner la page sur la politique régressive et coûteuse des faibles droits de scolarité et changer notre façon d’investir en éducation.

En plus de différencier les droits de scolarité selon les programmes, il serait aussi plus équitable de les différencier selon la mission des établissements universitaires. C’est actuellement le cas en France où l’éducation à faible coût côtoie les grandes écoles qui proposent des formations de très haut niveau contre des droits de scolarité élevés. Au Québec, toutes les universités n’offrent pas les mêmes formations, certaines se spécialisent dans certains domaines, d’autres proposent des approches différentes. Cette diversité permet aux étudiants de choisir à leur tour ce qui leur convient le mieux. Pour reconnaître cette réalité et favoriser l’émergence de futures grandes écoles québécoises, le gouvernement devrait permettre aux universités de fixer leurs droits de scolarité selon la mission qu’elles se donnent.

Le Québec doit tourner la page sur l’époque du gel des droits de scolarité. Il faut désormais laisser les universités les ajuster. Cette avenue se traduirait probablement par une hausse pour la plupart des programmes universitaires. Toutefois, il est même possible que, dans certains cas, nous assistions à une diminution des droits de scolarité, dans le cas où la formation dispensée entraîne de faibles coûts.

Une telle modulation des droits de scolarité pourrait être combinée à une politique d’aide financière aux études mieux ciblée vers les étudiants qui en ont véritablement besoin. Agir en ce sens, c’est une simple question d’équité.

Michel Kelly-Gagnon, président-directeur général de l’IEDM, et Vincent Geloso, économiste à l’IEDM.

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