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Textes d'opinion

Miracle chávezien?

Il y a des œuvres qui transcendent les décennies et des penseurs dont la contribution est éternelle. C’est notamment le cas de Friedrich A. Hayek, Prix Nobel d’économie (1974) et philosophe influent, ainsi que de son livre célèbre, intitulé La Route de la servitude, publié en 1944 et traduit dans une vingtaine de langues. Le fait que cet ouvrage datant de 66 ans figurait encore récemment parmi les meilleurs vendeurs du site Amazon.com est certainement révélateur de sa pertinence.

F. A. Hayek montre que la socialisation de l’économie, comme toute autre forme de planification centrale, implique que l’État exerce un contrôle croissant sur toutes les activités économiques, ce qui restreint d’autant les libertés individuelles et donc mène au totalitarisme, à la généralisation de la misère et à la servitude des nations. Pour Hayek, il n’existe qu’une différence de degré entre le communisme, le socialisme et la social-démocratie, car aucun de ces systèmes n’est compatible avec le respect des libertés.

La tenue d’élections législatives au Venezuela il y a quelques jours est l’occasion de dresser le bilan de la révolution bolivarienne, un ensemble de politiques franchement socialistes mises de l’avant par le président Hugo Chávez, et de vérifier la justesse du message de F. A. Hayek. Lors de sa première campagne électorale en 1998, le président Chávez avait tout promis : justice sociale, lutte à la pauvreté, etc. Le slogan le désignait d’ailleurs comme étant le «fléau de l’oligarchie et héros des pauvres». Mais qu’a-t-il accompli?

  • Depuis 1998, le taux de criminalité a quadruplé. Avec un meurtre toutes les 30 minutes en moyenne, il est plus risqué de vivre au Venezuela qu’en Iraq où on enregistre un meurtre toutes les deux heures.
  • L’inflation atteint 30 % et le Venezuela est le seul pays d’Amérique latine encore en récession, en dépit de ses importantes richesses pétrolières.
  • Le monde des affaires vit dans la peur d’une expropriation arbitraire et soudaine : si 17 entreprises avaient subi ce sort en 2007, on en compte déjà 174 pour 2010.
  • Les pénuries d’eau, de nourriture et d’énergie se sont multipliées et aggravées, et le rationnement s’est installé. En mars dernier, le président Chávez a décrété une semaine fériée faute d’électricité! Puis, il y a quelques semaines, il a introduit la «carte de bonne vie», qui est vue comme une tentative d’imposer une carte de rationnement pour l’alimentation inspirée du modèle cubain.
  • • Le líder de Caracas a aussi déclaré la guerre aux médias privés qui lui sont politiquement défavorables en révoquant la licence de 34 stations de radios et en forçant les réseaux de télévision à diffuser ses discours.

Pénuries, rationnement, répression, mépris des libertés, violence et marasme économique. La décadence du Venezuela concerne tout le monde, car l’expérience chávezienne fournit une preuve supplémentaire que si l’idéologie communiste est bien intentionnée, les mesures qu’elle préconise et les résultats qu’elle produit n’en demeurent pas moins lamentables. La révolution bolivarienne devrait être présentée aux jeunes qui n’ont jamais été exposés aux réalités de l’URSS et des autres pays communistes de l’époque et qui se font une idée romantique du collectivisme.

Lors des élections législatives du 26 septembre, Chávez a perdu la majorité stratégique des deux tiers, l’opposition ayant réussi une percée substantielle. Le modèle chávezien était séduisant en théorie, mais il a entraîné les Vénézuéliens sur la route de la servitude et aujourd’hui la population déchante. Chávez a donné au monde entier une excellente leçon d’économie… Il a prouvé que c’est Hayek qui a raison!

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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