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Textes d'opinion

Trop tard, Jim!

Y a-t-il une bulle immobilière au Canada? Le ministre des Finances, Jim Flaherty, semble s’en inquiéter. Lui qui vient d’annoncer des mesures (timides) pour calmer les acheteurs de maisons.

Je le comprends. En 10 ans, le prix des maisons a triplé dans plusieurs villes du Canada. Le prix moyen d’une maison atteint aujourd’hui 337 000 $.

Peut-être s’inquiète-t-il aussi de la dette personnelle des Canadiens? À 96 000 $ par tête (un record!), elle nous sort par les oreilles. Un Québécois sur quatre est incapable d’affronter une dépense imprévue de 5 000 $. Le nombre de personnes en retard de trois mois dans leurs paiements de carte de crédit a bondi de 40% l’an passé!

Mais j’ai une nouvelle pour M. Flaherty: trop tard. La bulle est là. Elle va éclater. Quand? Aucune idée. D’ici quelques mois, ou années. Quand une aiguille passera par là.

C’est la Banque du Canada, avec le consentement de M. Flaherty, qui contribue à gonfler cette bulle. Voyez-vous, le taux d’intérêt «naturel» dans une économie sert à équilibrer l’épargne des gens avec la demande des emprunteurs. Moins il y a d’épargne disponible, plus le taux d’intérêt devrait être élevé. Et vice-versa.

Or, notre taux d’épargne est nul. Mais la Banque du Canada s’entête à maintenir artificiellement bas les taux (en dessous de 1%). Comment? En injectant des dollars fraîchement imprimés dans l’économie pour en augmenter la disponibilité. Elle crée de la «fausse épargne». Elle stimule l’inflation – et les bulles spéculatives – et pousse les gens à surconsommer et à s’endetter. Que fait-on quand les taux d’intérêt (et par ricochet, les taux hypothécaires) sont bas? On s’endette pour acheter une maison. On prend une marge de crédit et on achète une auto. Épargner? Vous voulez rire… Quand un certificat de placement rapporte 1,5%? Non merci.

Mais la route vers une véritable reprise économique passe par l’épargne, pas par la consommation. Les Canadiens doivent nettoyer leur bilan. Cesser de consommer à crédit, et épargner. Ce sera dur pour l’économie à court terme, mais c’est l’inévitable chemin de croix par lequel nous devons passer. Retarder cet ajustement ne fait qu’empirer les choses. La Banque centrale doit cesser son petit jeu et laisser les taux d’intérêt remonter à un niveau qui reflète mieux la réalité économique.

Car M. Flaherty se trompe de cible. Ce ne sont pas les acheteurs de maisons qu’il faut calmer. C’est la Banque du Canada.

David Descôteaux est économiste à l’Institut économique de Montréal.

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