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Textes d'opinion

Valeurs mobilières: pour une forte présence régionale d’une commission nationale

La réglementation du commerce des valeurs mobilières et des activités connexes relève au Canada de 13 organismes provinciaux et territoriaux distincts qui ont mis en branle un processus de reconnaissance mutuelle, appelé «régime de passeport». En vertu de ce régime, une entreprise canadienne, même si elle exerce des activités dans plusieurs provinces, n’est réglementée que par une «autorité principale» et les 13 organismes de réglementation cherchent à harmoniser leurs réglementations respectives. Le rapport Hockin épouse la position du gouvernement fédéral, qui souhaite remplacer ces 13 organismes par un organisme national unique.

Les commissions des valeurs mobilières régissent l’émission de titres financiers, l’information diffusée par les émetteurs, certains aspects des transactions sur les titres, ainsi que les intermédiaires et conseillers financiers. Les objectifs poursuivis sont l’équité, l’intégrité et la transparence, donc la protection des investisseurs mais aussi l’efficacité des marchés financiers. En poursuivant ces objectifs, il faut éviter que l’alourdissement de la réglementation et la hausse des pénalités pour non-conformité ne génèrent de nouveaux risques juridiques, dus aux erreurs toujours possibles dans l’application de la loi, et nuisent ainsi inutilement à l’efficacité des marchés en réduisant leur flexibilité.

Quel système permettrait de réconcilier et d’équilibrer les préférences et les intérêts des investisseurs et des émetteurs le plus efficacement et au moindre coût? Quel système, avec ses institutions et processus, permet d’atteindre l’équilibre délicat entre la garantie de marchés financiers efficaces pour les émetteurs et le maintien d’une protection adéquate pour les investisseurs: un système centralisé ou décentralisé?

Et s’il était possible de marier les deux? On pourrait bénéficier des avantages de ces deux systèmes sans hériter de leurs carences en créant une commission nationale unique en quatre bureaux régionaux (Ouest et TNO, Ontario, Québec, Est), garantissant une harmonisation sans faille essentielle aux entreprises de taille plus importante, avec une présence régionale significative, assurant la sensibilité nécessaire aux besoins particuliers des entreprises des régions canadiennes.

Pour doter ces bureaux régionaux d’un rôle et d’un pouvoir non négligeables dans la définition et l’application uniformes des normes et réglementations, dont la responsabilité incomberait au premier chef à la commission nationale, toutes les entreprises devraient être rattachées à un bureau régional. Ce modèle est à notre portée et permet de reconnaître et de mettre à profit la diversité économique canadienne, et ce, au profit de marchés financiers efficaces et intégrés, respectueux des émetteurs et des investisseurs.

Le pour et le contre

Plusieurs arguments militent en faveur d’un organisme unique. Il peut assurer non seulement l’uniformité des normes et des règlements mais aussi la flexibilité d’intervention nécessaire au bon fonctionnement des marchés. De plus, un régulateur unique favoriserait une plus grande imputabilité tout en faisant profiter émetteurs et investisseurs d’économies d’échelle, assurerait un rôle plus direct de porte-parole canadien en matière d’harmonisation internationale des réglementations des valeurs mobilières et rendrait plus crédible la poursuite des activités d’un tribunal national dans ce domaine.

Par contre, il peut être préférable que la réglementation soit soumise à la décentralisation et à la concurrence plutôt que confiée à un organisme unique, donc un monopole. En fait, les marchés financiers sont véritablement internationaux, et si l’argument d’un organisme unique justifiait une réglementation centralisée à l’échelle nationale, il justifierait tout autant un organisme unique à l’échelle internationale. La raison pour laquelle cette uniformisation internationale n’est pas souhaitable, c’est que la concurrence génère des incitations à l’efficacité, stimule la découverte de formules réglementaires plus appropriées, respecte les conditions locales et laisse aux entreprises multinationales une certaine liberté de choix quant à la réglementation à laquelle elles seront soumises, et ce, en toute connaissance des investisseurs. Un monopole réglementaire profitant d’une clientèle captive augmente tant le risque de sur-réglementation que le risque de capture par les quelques acteurs qui concentrent déjà l’essentiel de l’activité bancaire et de valeurs mobilières, y compris les Bourses. On peut s’attendre à ce que la décentralisation et la concurrence mènent à l’harmonisation dans la mesure où le marché la demande, en particulier dans un domaine comme celui des valeurs mobilières, où le degré d’expertise des participants est relativement élevé.

La solution

Une commission nationale unique avec une forte présence régionale permettrait de résoudre avantageusement l’équation complexe de la réglementation des valeurs mobilières au Canada: maintenir un niveau avantageux de décentralisation et donner aux spécificités régionales ou industrielles, les entreprises restant libres de faire affaire avec l’un ou l’autre des bureaux, une voix forte au sein d’une autorité nationale unique pour la définition et l’application de normes et règlements uniformes. La décentralisation vers des bureaux non-exclusifs mais capables d’influencer pour le mieux une commission nationale unique permettrait de favoriser l’innovation et l’efficacité en matière de réglementation des marchés financiers tout en assurant la reconnaissance mutuelle de facto des sensibilités et particularités régionales.

Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef de l’Institut économique de Montréal.

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