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Textes d'opinion

Quelle autre vision?

Depuis samedi, on entend parler d’un texte intitulé «Pour une autre vision de l’économie» publié dans Le Devoir et disponible sur le web.

Tout au long des 14 pages de l’essai, les auteurs font le procès de la liberté économique et déclarent vouloir «inventer l’avenir autrement». Ils veulent «repenser l’économie» et offrir une solution de rechange à la pensée libérale. Soit! Mais quelle est donc cette solution de rechange qu’ils proposent? Le texte est nébuleux à ce sujet. Les auteurs tiennent un discours à mots couverts et n’osent pas exprimer clairement leur position. Or, quand on choisit de se commettre publiquement, il faut avoir le courage de ses opinions et les assumer jusqu’au bout.

Ce que les auteurs du document omettent de préciser, c’est qu’une société n’a le choix qu’entre deux options: la liberté économique ou l’étatisme. Quand on préconise une extension du rôle de l’État, on réduit automatiquement les libertés individuelles, et vice versa. C’est le principe des vases communicants. «L’autre vision de l’économie», celle que les auteurs réclament, ne peut donc être qu’une vision empreinte de dirigisme économique.

Évidemment, libre à eux d’espérer davantage d’interventionnisme, mais pourquoi n’expriment-ils pas leur souhait ouvertement et sans retenue? Et surtout, pourquoi cette haine viscérale de la liberté économique?

Une économie libre n’implique ni la loi de la jungle, ni le cautionnement d’un système sans foi ni loi qui permet le banditisme, ni le chaos. La liberté économique signifie simplement que les individus peuvent prendre eux-mêmes les décisions qui les concernent tout en étant protégés par la primauté du droit et un système judiciaire fiable qui assure, entre autres, le respect de la propriété privée.

Ne nous y méprenons pas, malgré un emballage aseptisé, le document qui circule n’est qu’un plaidoyer en faveur du socialisme. Évidemment, vu l’échec retentissant essuyé par les économies planifiées, les auteurs n’osent pas afficher franchement leurs couleurs. Or, prétendre avoir une «autre vision de l’économie» sans la nommer explicitement, c’est de la lâcheté!

Les auteurs rétorqueront certainement qu’il suffit d’améliorer notre approche pour éviter les échecs des économies planifiées. Méfions-nous d’un tel discours. C’est le même que celui que tenait Hugo Chavez lorsqu’il promettait aux Vénézuéliens le «socialisme de XXIe siècle». Il entretenait, lui aussi, une «autre vision de l’économie».

Aujourd’hui, le Venezuela doit composer avec des pénuries de produits de base. Depuis des mois, les habitants ne trouvent pratiquement plus de lait, d’oeufs, d’huile, de farine, de sucre, de maïs, de poulet… Ils manquent également de médicaments, de pièces d’autos, de produits d’hygiène personnelle, y compris de papier hygiénique! Même la production de pétrole a sensiblement diminué. Et, pour couronner le tout, le pays a enregistré un taux d’inflation de 22,5% en 2007.

Hugo Chavez voulait un socialisme «nouveau et amélioré»; il a obtenu un bilan économique désastreux. Il a cru en l’étatisme version XXIe siècle; il a complètement détraqué son économie. Il s’est donné pour mission d’aider les plus démunis; ils sont maintenant contraints de parcourir des kilomètres dans l’espoir de trouver du lait pour leurs enfants!

Les vendeurs de rêves ont toujours existé et savent adapter leur discours pour mieux séduire. Mais avant d’endosser leur vision de l’économie et de céder des libertés au non d’un étatisme bienveillant, il faut exiger qu’ils prouvent leurs prétentions à l’aide d’exemples réels. S’ils en sont incapables, c’est que leurs beaux discours ne sont que du vent!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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