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Textes d'opinion

«Le temps que ça change»

Au cours des deux dernières semaines, j’ai présenté l’échec suédois et le miracle irlandais. Pour compléter la trilogie, c’est aujourd’hui au tour du «modèle québécois».

Ce modèle est le résultat de la montée de l’État-providence et de la séparation plus nette entre l’Église et l’État qui caractérisent la Révolution tranquille. Aujourd’hui, c’est avec fierté et suffisance que certains parlent du «modèle québécois». Or, non seulement le virage interventionniste n’est pas l’apanage du Québec, mais il est arrogant de qualifier le système actuel de «modèle» alors qu’aucun pays au monde ne tente de le reproduire. Mais ne nous attardons pas sur la sémantique.

Pour évaluer la performance d’un modèle, il faut comparer les buts visés aux résultats obtenus. Si le Québec a choisi l’interventionnisme et s’est lancé dans la création d’institutions publiques et de sociétés d’État, c’était pour créer une société prospère et égalitaire, et pour rattraper le retard par rapport à l’Ontario. Quels sont donc les résultats de près d’un demi-siècle de «solidarité»?

Non seulement le Québec n’a-t-il pas atteint la prospérité escomptée, mais sa richesse est inférieure à la moyenne canadienne et il est plus pauvre que l’Ontario, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve et l’Alberta. Pis encore: sur les 60 États américains et provinces canadiennes, le Québec arrive en 53e position quant au niveau de vie de ses habitants.

En ce qui concerne la productivité, le bilan n’est guère plus reluisant. Le Québec se classe 6e au Canada et, s’il était un État américain, il se situerait au 49e rang à ce chapitre.

Exception faite de trois provinces atlantiques, c’est le Québec qui, depuis plusieurs décennies, affiche le taux de chômage le plus fort. Quant à la proportion de prestataires de l’aide sociale, le Québec est, après Terre-Neuve, la province où elle est la plus élevée. Dans le même ordre d’idée, exception faite de Terre-Neuve, c’est au Québec que la valeur nette des ménages est la plus faible.

Quelle que soit la variable qu’on observe, il est clair que l’État-Père Noël ne nous a pas fait de cadeaux: le Québec est l’une des sociétés les plus pauvres en Amérique du Nord! En regard des objectifs qu’il visait, il n’y a pas de quoi être fier du «modèle québécois», car il constitue objectivement un échec.

Néanmoins, les inconditionnels de l’État-Père Noël nient cette pauvreté. Ils se gargarisent de nobles principes qui leur donnent une illusion de supériorité morale, et s’imaginent détenir le monopole de la générosité, de l’altruisme et de la compassion. Mais ils ne peuvent occulter la réalité: non seulement le «modèle québécois» entretient-il la pauvreté, mais il impose le fardeau fiscal le plus lourd qui soit en Amérique du Nord, et la dette publique la plus importante au Canada, avec tous les effets pervers que ces phénomènes occasionnent.

La Révolution tranquille a permis aux Québécois de s’affranchir de l’Église. Mais ils n’ont fait que remplacer le contrôle du clergé par celui de l’État. Or, l’État-providence est source de pauvreté, car il étouffe l’initiative et décourage le travail.

La «grande noirceur» dont le Québec doit maintenant se libérer, c’est la croyance irrationnelle selon laquelle l’aide de l’État est indispensable. Les expériences prouvent que l’État-providence nuit à la prospérité et que le seul modèle qui fonctionne véritablement, c’est celui qui nous incite à nous lever le matin pour aller travailler ou étudier; c’est celui qui récompense l’effort et l’initiative; c’est celui qui respecte la liberté économique. Le slogan des années 1960 est toujours d’actualité: «C’est le temps que ça change!»

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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