fbpx

Textes d'opinion

Les consommateurs lésés – Le système des quotas est directement responsable de la hausse du prix du lait

À la suite de la décision de la Commission canadienne du lait prise en décembre dernier, le prix du lait à la ferme augmente de 7,8% à compter d’aujourd’hui. Plusieurs industries utilisatrices de lait devront ainsi débourser davantage et les consommateurs en sentiront les effets sur leur portefeuille lorsqu’ils iront à l’épicerie. Pourquoi donc devons-nous payer toujours plus pour les produits laitiers?

Les causes se trouvent dans le système de gestion de l’offre, qui régit ce secteur de production agricole depuis 1966 au Canada. Cette politique repose sur deux types majeurs d’interventions de l’État dans le marché. D’une part, elle implique la mise en place d’une planification et d’un contrôle administratif sur les prix, la commercialisation et les quantités offertes, notamment à travers l’imposition de quotas. D’autre part, elle repose sur l’existence de tarifs douaniers suffisamment élevés pour empêcher l’entrée des produits étrangers. L’État assure ainsi une clientèle captive aux agriculteurs canadiens.

Les quotas correspondent au droit de vendre une certaine quantité de lait aux prix administrativement fixés. Distribués gratuitement à l’origine, mais échangés ensuite sur des «bourses centralisées», ils sont devenus de plus en plus coûteux. En 2002, il fallait, en moyenne, plus de 22 000 $ pour exploiter une vache et en vendre le lait au Canada. En 2003, selon Statistique Canada, les quotas ont représenté en moyenne près de 1,1 millions de $ par ferme laitière et près de 17,6 milliards de $ pour l’ensemble des exploitations de ce type au Canada. Ceci constitue près de la moitié de tous les actifs permanents à long terme des producteurs de lait. Pour lancer une ferme, il faut paradoxalement débourser pratiquement autant pour obtenir les quotas que pour les actifs réellement indispensables comme les animaux, les terres et les bâtiments, les machines ou le matériel agricole.

À l’évidence, les quotas sont devenus une barrière à l’entrée pour ceux qui voudraient lancer une nouvelle entreprise dans ce secteur. Le paradoxe est que les agriculteurs déjà sur le marché n’ont aucun intérêt à mettre fin au système des quotas. Ils représentent en effet un «actif» que les agriculteurs peuvent vendre et qui sert souvent de garantie de prêt auprès des institutions financières. Avec l’abolition de la gestion de l’offre les quotas perdraient toute leur valeur, mettant en difficulté les agriculteurs et leurs créanciers. Par ailleurs, les agriculteurs plus efficaces qui voudraient augmenter leur production ne peuvent le faire car ils ne sont pas autorisés à dépasser leur quota.

D’un point de vue géographique, l’évolution du système est bloquée car il est très difficile de modifier la proportion de quotas que reçoit chaque province. Cette rigidité est source de conflits entre elles et d’incertitude supplémentaire pour les agriculteurs. À cause des quotas, il est impossible d’exploiter des conditions de production plus favorables sur le territoire canadien, si et quand elles se présentent.

Les coûts du système de gestion de l’offre se trouvent inévitablement répercutés dans les prix de détail, de manière plus ou moins importante suivant les produits. Selon les estimations de l’OCDE, les prix canadiens du lait ont été entre deux à trois fois plus élevés depuis 1986 que les prix mondiaux. Ces prix artificiellement élevés correspondent en réalité à un «impôt» implicite que les agriculteurs ont été autorisés à prélever sur les consommateurs par les pouvoirs publics. Selon l’organisme, ce soutien aux producteurs canadiens de lait s’élèverait à 2,7 milliards de dollars en 2003, soit à plus de 60% de la valeur de la production totale de lait cette même année. Cela a sans doute contribué (en parallèle avec un changement des habitudes alimentaires au profit d’autres boissons que le lait) à une baisse de la consommation de lait par personne au Canada entre 1986 et 2003 de près de 15%. […]

Valentin Petkantchin est directeur de la recherche à l’IEDM et auteur de la Note économique intitulée Production laitière: les coûts de la gestion de l’offre au Canada.

Back to top