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Bonjour Santé 3, Rendez-vous santé Québec 0

Il y a un bon côté à être malade. Pour quelqu’un comme moi, dont le système de santé est un objet d’étude, ça permet de retomber dans le concret des choses.

J’ai eu besoin cette semaine de voir un médecin dans la journée, sans poireauter au sans rendez-vous ou à l’urgence. Il y a deux options : le service gouvernemental Rendez-vous santé Québec, ou Bonjour-santé, fruit de l’initiative d’un entrepreneur québécois. Le service de l’État a été implanté il y a un an et demi maintenant. Réussira-t-il à battre l’entrepreneur?

Sauter dans des cerceaux

Première observation sur le site gouvernemental : en plus du numéro d’assurance maladie, on me demande aussi mon nom et ma date de naissance. Ces informations sont pourtant déjà liées à mon dossier médical. On me demande aussi mon sexe. Pourquoi? Bonjour-santé n’est pas aussi curieux.

C’est cependant une fois arrivé aux options de rendez-vous que le génie bureaucratique se déploie dans toute sa splendeur.

On me demande de choisir entre les « périmètres de recherche » suivants :

  • 0 à 10 km
  • 10 à 20 km
  • 20 à 30 km
  • 30 à 40 km
  • 40 à 50 km

Imaginez le succès qu’aurait eu Google Maps si on vous demandait de faire des recherches séparées en fonction de la distance à parcourir. C’est niaiseux de même.

En comparaison, avec Bonjour-santé, une fois l’adresse courriel, le numéro d’assurance maladie et le code postal entrés, on me donne tout de suite les résultats de recherche et la distance à la clinique.

Sur Rendez-vous santé Québec, je ne suis pas rendu là, et je n’ai pas fini de sauter dans des cerceaux. RVSQ me demande aussi pourquoi je veux consulter. Il y a six types de consultations possibles. Consultation prioritaire? Urgence mineure? Suivi périodique ou préventif? Suivi régulier? Suivi de grossesse? Suivi d’un enfant de 0 à 5 ans?

Quelle est la nécessité à ce stade-ci de faire ce genre de triage si c’est de toute façon pour voir un médecin généraliste? En plus, au moins deux de ces catégories sont redondantes.

Mais poursuivons. À chaque option, sa définition. Selon Rendez-vous santé Québec, une « urgence mineure » est un « problème de santé récemment apparu ou aggravation d’un problème de santé existant qui nécessite une consultation médicale dans les 24 h à 48 h (ex. : fièvre persistante, infection urinaire, grippe, mal de gorge aigu, vaginite, coupure nécessitant des points de suture). ». Tandis qu’une « consultation prioritaire » est un « problème de santé préoccupant qui nécessite une consultation médicale dans la prochaine semaine (ex. : perte de poids rapide, toux persistante). »

Ai-je davantage une toux persistante ou un mal de gorge aigu? Je ne veux pas attendre une semaine, n’en déplaise au gouvernement (la dernière fois que j’ai eu les mêmes symptômes, je me suis retrouvé avec une pneumonie, non merci).

J’entame donc mes recherches à l’intérieur du premier « périmètre » de 10 km pour une urgence mineure. Rien. Je recommence pour 10 à 20 km, puis 20 à 30 km. Rien non plus. Pas plus de succès du côté des consultations prioritaires à l’intérieur de 30 km. Je précise que je suis déjà rendu à six requêtes séparées. C’est six de plus qu’avec Bonjour-santé, et je n’ai toujours rien.

Voilà ce qui arrive quand on essaie de couper les cheveux en quatre dans le sens de la largeur.

Et Bonjour-santé? Une fois mes coordonnées entrées, on m’a donné en un clic le choix entre deux options à l’intérieur de 10 km et une autre à l’intérieur de 20 km, dans les douze heures suivantes. Bonjour-santé 3, Rendez-vous santé Québec 0.

Question d’aller au bout de l’expérience, j’ai ensuite élargi le « périmètre » de recherche sur RVSQ. J’ai fini par trouver une consultation à une distance de 30 à 40 km pour une urgence mineure. Par curiosité, j’ai aussi tenté de voir si j’aurais eu plus de succès avec l’un des quatre autres types de consultation (peut-être aurais-je pu me faire passer pour une femme enceinte…). Rien non plus, même en élargissant à 50 km.

***

Le résultat de ma démarche n’est pas étonnant. Des médecins ont déjà fait état de plusieurs problèmes de fonctionnement de Rendez-vous santé Québec, et plusieurs refusent de l’utiliser. Même la majorité des nouvelles supercliniques n’en veulent pas.

L’interface inutilement compliquée n’est pas non plus une surprise. Quelle est la dernière fois où le gouvernement a vraiment réussi à vous simplifier la vie?

La leçon la plus importante est sans doute la suivante : un an et demi après le lancement de Rendez-vous santé Québec et 7 millions $ plus tard, l’État n’a toujours pas réussi à rattraper Bonjour-santé. Cela illustre puissamment encore une fois à quel point le gouvernement, malgré toutes ses ressources, ne fait pas le poids face à un petit entrepreneur motivé, perspicace et débrouillard.

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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