fbpx

Op-eds

Où est le débat sur la compétitivité canadienne?

Depuis que les États-Unis ont abaissé leur impôt fédéral sur le revenu des entreprises, faisant passer leur taux combiné moyen de 39 à 26%, le Canada, dont le taux combiné moyen est à près de 27%, est beaucoup moins compétitif. Lorsque les investisseurs vont hésiter entre des projets canadiens ou des projets américains, ce dernier l’emportera plus souvent que par le passé.

Tout ça alors que l’investissement au pays est déjà morose: l’investissement des entreprises en pourcentage du PIB continue d’être un des plus bas de l’OCDE.

Le ministre des Finances Bill Morneau veut faire une annonce au sujet de la compétitivité lors du prochain énoncé économique, cet automne, mais il semble préférer des mesures ciblées pour favoriser l’investissement au lieu de baisser de cet impôt. C’est une erreur. Plusieurs fiscalistes canadiens, ainsi que plusieurs organisations internationales, recommandent plutôt d’abolir ce genre de mesures, qui sont coûteuses et entraînent toutes sortes d’effets pervers.

Bien entendu, le gouvernement fédéral n’est pas le seul concerné par la compétitivité de notre système fiscal. Le taux d’imposition provincial moyen des entreprises est d’un peu plus de 13%, alors qu’il est d’environ 6% pour les États américains. Il n’y a pas plus de grand débat à ce sujet dans les provinces. Bien qu’Ottawa et Québec aient diminué le taux de l’impôt pour les petites entreprises, et que ces taux baisseront encore l’an prochain, c’est le silence radio pour le taux général, celui qui est véritablement important pour la compétitivité.

Pourtant, le temps passe et la pression ne viendra pas seulement des États-Unis. Comme le fait remarquer Jack Mintz, l’un des plus importants fiscalistes canadiens, le taux d’imposition des entreprises en France passera de 33,33 à 25% d’ici 2022, et de 34 à 25% en Belgique sur une période similaire; le gouvernement australien a l’intention de réduire son taux de cinq points de pourcentage; et le taux suédois passera de 22 à 20,6%.

Et ce n’est probablement qu’un début. Les pays se font concurrence pour attirer les investissements et, dépendamment de la méthodologie utilisée pour les projections (certes imparfaites), le Fonds monétaire international chiffre la baisse moyenne de cet impôt d’un à trois points de pourcentage à l’échelle de la planète. Et il ne s’agit que de la première vague de réductions, puisque les gouvernements vont aussi réagir aux ajustements dans les pays voisins.

Le FMI recommandait d’ailleurs au Canada en juin dernier de revoir sa fiscalité des entreprises. Les gouvernements canadiens vont manquer le bateau s’ils ne baissent pas eux aussi ces taux d’impôts.

Une marge de manœuvre

L’OCDE faisait le même constat quant à l’importance de baisser l’impôt des entreprises, rappelait qu’il s’agit d’un impôt peu efficace, et suggérait d’appliquer le même taux aux grandes et aux petites entreprises, ce qui comporte des avantages évidents, notamment en évitant la désincitation à la croissance (nous suggérons de ne conserver que le taux des petites entreprises, plus faible).

L’OCDE a par ailleurs rappelé que «les impôts et taxes sont légèrement supérieurs au niveau nécessaire pour financer les dépenses et faire en sorte que le ratio dette/PIB reste inchangé à long terme». En somme, cela signifie que l’on dispose même d’une marge de manœuvre pour se permettre de faire diminuer les recettes de cet impôt.

Au Québec, la commission Godbout recommandait aussi d’alléger l’impôt des entreprises. Même le comité de réflexion économique du gouvernement fédéral, le Conseil consultatif en matière de croissance économique, jugeait en décembre dernier qu’une réforme du fardeau fiscal des entreprises était nécessaire.

Il est navrant que les débats économiques n’aient pas encore intégré la gravité de la situation. À Ottawa, on semble privilégier d’autres mesures et à Québec, le débat est tout simplement absent. Les baisses d’impôts américaines, combinées à la déréglementation dans plusieurs secteurs, font que le Canada est beaucoup moins compétitif qu’il ne l’était par le passé.

Alors que les experts sont unanimes, les gouvernements canadiens ont un train de retard.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

Back to top