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La sécurité nationale passe par le commerce international

Il y a quelques jours, le président américain a invoqué la sécurité nationale pour justifier l’imposition de tarifs sur l’acier et l’aluminium canadiens, mais aussi sur la production mexicaine, européenne et celle de quelques autres pays. De façon générale, sa politique commerciale semble basée sur le raisonnement que les États-Unis seront plus riches et plus sûrs s’ils limitent leurs échanges avec l’étranger.

Donald Trump le dit de façon un peu plus spectaculaire, mais il n’a rien inventé. L’ouverture des marchés et des cultures est souvent considérée comme portant atteinte à la sécurité des emplois dans les pays développés, par la sous-traitance ou la délocalisation ; à la sécurité des travailleurs dans les pays sous-développés, par leur exploitation présumée ; à la sécurité alimentaire, par l’importation des aliments ; à la sécurité environnementale, par le transport des produits énergétiques (électricité et hydrocarbures) ; enfin, plus récemment, à la sécurité nationale, par le développement de chaînes d’approvisionnement internationales.

Toutes ces affirmations sont fallacieuses et toutes sont des exemples d’une ignorance pure et simple d’un élément parmi les plus importants de l’histoire économique moderne : les avantages comparés. La bonne compréhension des avantages comparés, telle que formulée par l’économiste anglais David Ricardo il y a près de 200 ans, est au coeur de la libéralisation des échanges, de l’éradication massive de la pauvreté, de la création de richesse et de la croissance économique et sociale inclusive. Elle est l’outil le plus puissant contre les intérêts privés des groupes opposés au commerce tant au pays qu’à l’échelle internationale. La croissance significative du commerce à tous les niveaux durant les deux derniers siècles a été le principal facteur de l’amélioration exceptionnelle de notre bien-être.

Les implications de cette théorie sont directes, mais relativement contre-intuitives. Ce ne sont pas les avantages absolus que possèdent les pays ou régions qui sont importants, mais plutôt leurs avantages relatifs. Même si les producteurs d’un pays sont plus efficaces que ceux d’un autre dans la production de tous les biens, les deux pays bénéficieront du commerce international en se spécialisant dans la production des biens pour lesquels ils disposent du plus fort avantage comparé, et en faisant du commerce (c’est-à-dire en important) pour obtenir en échange les autres biens. Ces mêmes pays bénéficieront aussi de l’ouverture de leurs marchés internes au commerce, en permettant à leurs économies respectives de s’ajuster aux prix concurrentiels internationaux. Ces principes sont valables pour tous les pays et toutes les régions, indépendamment de leurs niveaux absolus de compétitivité.

Paul Samuelson, économiste américain lauréat du prix Nobel d’économie de 1970, a écrit que, malgré la force de l’argument des avantages comparés, il est loin d’être évident à sa face même. Il en veut pour preuve que « des milliers d’hommes importants et intelligents n’ont jamais été capables de comprendre [cet argumentaire] par eux-mêmes ou d’y croire après qu’on le leur a expliqué ».

Souveraineté alimentaire

Deux exemples récents et dangereux sont le « droit inaliénable à la souveraineté alimentaire » et « l’imposition de tarifs douaniers pour des raisons de sécurité nationale ». Dans le premier cas, on oppose les intérêts privés des agriculteurs et des éleveurs et les bénéfices du commerce international. Pour appuyer leurs arguments prétendument en faveur de la création de bien-être pour la société, les tenants de la souveraineté alimentaire soutiennent maintenant qu’elle réduit les gaz à effet de serre !

Malgré sa logique apparente, cet argument est, lui aussi, une illusion subtile, mais dangereuse. Dans les pays développés, cet objectif de souveraineté alimentaire s’est traduit par différents programmes de gestion de l’offre et par l’allocation de subventions généreuses aux exploitations agricoles, au détriment des consommateurs et des contribuables nationaux et étrangers. Les arguments de la sécurité nationale et du commerce inéquitable, tels que proposés par le gouvernement américain, sont aussi un artifice au service d’intérêts privés, à l’encontre des consommateurs et des contribuables américains, et aussi de tous les autres.

C’est l’ouverture au commerce qui a permis aux États-Unis et à la Chine de connaître des gains de niveau de vie exceptionnels. Et c’est l’ouverture au commerce, favorisée par des infrastructures de qualité, qui permettra aux pays en développement de sortir de leurs situations misérables. L’imposition de tarifs douaniers et une guerre commerciale sont présentement les plus graves dangers à la sécurité nationale des pays et de leurs citoyens.

Marcel Boyer is Distinguished Senior Fellow at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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