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Les deux conditions de la taxe carbone

Dans plusieurs de ses publications, l’Institut économique de Montréal a rappelé que si le gouvernement tient à intervenir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), alors mettre un prix sur le carbone, à l’aide d’une taxe ou en accordant des droits d’émissions, est une façon plus efficiente d’atteindre ce but que, par exemple, accorder des subventions pour des mesures précises, comme l’achat de voitures électriques.

En cela, l’IEDM ne se démarque pas de la plupart des économistes, qui croient que les effets nocifs sur le bien-être d’externalités négatives (comme la pollution) peuvent être amoindris par la création d’un coût pour les émetteurs, ce qui permet ensuite au marché de trouver des solutions. Les autres méthodes sont normalement plus coûteuses et moins efficientes.

La taxation du carbone est cependant de plus en plus contestée. À Ottawa, les conservateurs ont annoncé récemment qu’ils renonçaient à la taxe carbone et proposent plutôt de créer des incitations fiscales pour encourager les firmes à réduire leurs émissions. En Alberta, l’opposition officielle, bien placée pour prendre le pouvoir aux prochaines élections, rejette aussi la taxation du carbone; idem pour le gouvernement de la Saskatchewan. En Ontario, le parti conservateur, qui pourrait accéder au pouvoir dès juin, est du même avis, et certains observateurs croient que cela pourrait changer la donne pour tout le pays.  

Peu populaires, peu de résultats

Ce changement d’attitude des politiciens est sans doute relié au fait que les politiques de taxation des émissions de GES, en plus de donner peu de résultats jusqu’à maintenant, ne sont pas populaires. En novembre 2016, la société de sondages Abacus annonçait que l’environnement et les changements climatiques n’arrivaient qu’au cinquième rang des préoccupations des Canadiens. Seulement 8 % des gens sondés disaient qu’il s’agissait du problème le plus préoccupant, contre 34 % pour l’économie, 14 % pour les soins de santé, 14 % pour la pauvreté et les inégalités et 9 % pour le chômage.

Un sondage réalisé en 2014 par la firme Léger pour le compte de l’IEDM montrait que si 77 % des Canadiens (78 % des Québécois) croyaient que la lutte contre les changements climatiques était importante, seuls 25 % (29 % au Québec) étaient prêts à payer plus pour réduire la consommation de pétrole d’un quart. Or, il devient de plus en plus évident qu’il faudra mettre un prix très élevé sur le carbone pour arriver à réduire de façon significative les émissions de GES.

C’est ici que le bât blesse. À des prix se situant entre 10 $ et 50 $ par tonne de carbone, comme c’est le cas présentement et à moyen terme, une taxe carbone s’apparente plus à de la « signalisation de vertu », c’est-à-dire à une façon de montrer un engagement bidon, qu’à un véritable effort pour atteindre les objectifs. Les gens finiront par contester des politiques qui coûtent cher et qui ne donnent rien.

Parce qu’une taxe carbone qui fonctionne vraiment sera élevée, cette politique n’a de sens que si elle est mise en place partout. Dans le cas contraire, elle ne mène qu’à des déplacements de production et d’emplois, sans réduction d’émissions, ce que l’on appelle des fuites de carbone. Or, les États-Unis, notre plus important concurrent, ne suivent pas. Si vous êtes une entreprise émettrice de GES et que vous contemplez une expansion dans le nord de l’Amérique du Nord, allez-vous choisir l’endroit le plus coûteux?

Finalement, à peu près partout, la taxe a servi de prétexte à une hausse du fardeau fiscal général. Même là où on avait promis que la taxe serait neutre, cela n’a finalement pas été le cas. En Colombie-Britannique, plutôt que de servir à réduire le fardeau fiscal, les recettes de la taxe carbone ont servi entre autres à donner des cadeaux à l’industrie du cinéma et à celle des jeux vidéo. L’imposition d’un prix sur le carbone a donc mené à un appauvrissement des ménages, via des prix plus élevés sur l’énergie et le transport, sans compensation sous la forme d’autres taxes plus faibles.

Il est donc temps de prendre conscience et de répéter qu’une taxe carbone n’est une bonne politique qu’à deux conditions : qu’elle soit appliquée partout, et qu’elle soit fiscalement neutre. Autrement dit, la taxe carbone, c’est un « package ». S’il manque des éléments, ça ne fonctionnera pas, et ça ne sera pas accepté par la population. Pour l’instant, ces conditions ne sont pas remplies au Canada.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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