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La centralisation en santé est vouée à l’échec

Le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette, pilote actuellement le projet de loi 130, qui constitue une énième tentative de réformer le système de santé québécois. La raison de cette hyperactivité gouvernementale est simple : notre système de santé connaît de multiples problèmes systémiques, en particulier des temps d’attente importants dans les urgences des hôpitaux et pour des chirurgies.

Non seulement le ministère n’arrive-t-il pas à planifier le développement à long terme du réseau pour mettre fin une fois pour toutes à ces problèmes, mais il semble aussi incapable de répartir les ressources efficacement dès qu’un léger imprévu se manifeste. Le moindre événement, tel que les vacances du personnel hospitalier ou l’arrivée précoce de la vague de grippe hivernale, crée une situation chaotique dans les urgences.

Le ministre Barrette croit pouvoir résoudre ces problèmes en centralisant de plus en plus de décisions au ministère de la Santé. La crise actuelle au CUSM, avec la démission en bloc de plus de la moitié des membres du conseil d’administration, n’est que la dernière illustration de cette crise permanente.

Pourtant, d’autres secteurs économiques ne semblent pas aux prises avec les mêmes problèmes récurrents. Il n’y a normalement pas de longs délais d’attente pour voir un dentiste, un comptable ou un coiffeur, et la plupart des biens et services qu’on peut acheter ne sont pas en rupture de stock à des moments précis de l’année. Qu’y a-t-il donc de si particulier avec le secteur de la santé ?

Les idées de Hayek

Pour planifier la production de services de santé, il faut beaucoup d’information, par exemple sur les caractéristiques de la population desservie, les maladies les plus fréquentes dans chaque région, la fréquentation des urgences, etc. Plus un système est vaste et complexe, plus il y a d’information à traiter. Dans le cas du système de santé québécois, on parle de centaines d’établissements, de centaines de milliers de travailleurs et de huit millions de clients.

Pour le lauréat d’un prix Nobel en économie Friedrich Hayek (1899-1992), le problème est plus grave : une grande partie de l’information essentielle n’est pas accessible, car connue seulement par les millions d’acteurs individuels, et seulement lorsqu’ils prennent des décisions et agissent. Dans un article publié en 1945 et devenu un classique de la science économique, Hayek a expliqué qu’il est impossible pour des bureaucrates à la tête d’une organisation vaste et complexe de tout contrôler de façon efficiente, étant donné qu’il n’existe pas de mécanisme permettant d’obtenir cette information.

À l’opposé de la planification, le marché permet une allocation efficace des ressources sans qu’il soit nécessaire de centraliser l’information. Les innombrables interactions entre les agents dans les marchés produisent des prix, qui sont des signaux permettant de transmettre l’information sur les besoins et désirs des participants, la disponibilité des ressources, la valeur des utilisations parallèles de celles-ci, etc. Les prix signalent à chacun ce qu’il doit faire afin de bien utiliser les ressources existantes et procurent les bonnes incitations pour assurer une coordination efficace.

En bref, la planification centralisée oblige le planificateur à être omniscient s’il veut atteindre les objectifs qu’il se donne, alors que le marché ne nous oblige pas à tout connaître, mais demande seulement aux acteurs de réagir aux prix.

Réformes

Ce n’est donc pas un hasard si les systèmes de santé qui fonctionnent mieux que le nôtre, comme celui de la Suède, sont généralement plus décentralisés. Cela permet aux acteurs sur le terrain qui voient les besoins, ainsi que la disponibilité des ressources, de faire les arbitrages nécessaires.

Une mesure possible consiste à recourir davantage aux prix de marché comme mécanisme de coordination. Ces prix pourraient émerger dans un système qui s’appuie sur le choix du patient et la concurrence entre des prestataires de soins publics et privés, plutôt que sur un monopole public. La concurrence joue elle-même un rôle essentiel dans la découverte d’information, comme Hayek l’a d’ailleurs aussi expliqué.

Même dans un système de santé universel mixte où l’État finance la majeure partie des soins, il est possible d’éviter les principaux écueils de la planification centralisée. Selon les enseignements d’Hayek, au lieu de centraliser davantage la gestion pour résoudre les problèmes récurrents, c’est le contraire que le ministre Barrette devrait faire.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher at the MEI and the author of “Viewpoint – Centralized Health Care: A Recipe That’s Doomed to Fail.” The views reflected in this op-ed are his own.

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