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Abolir la gestion de l’offre a un coût, et il faut le payer

Récemment, le système canadien de quotas de production et de barrières à l’importation dans les secteurs du lait, des œufs et de la volaille – et dont l’objectif est de restreindre l’approvisionnement dans le but d’augmenter le prix payé par les consommateurs – a été la cible d’attaques soutenues.

Les défenseurs de ce système font valoir que les fermiers ont acheté légalement les quotas, qui les protègent de la concurrence. Même si ce régime a échoué à empêcher la diminution du nombre de fermes (les fermes laitières et avicoles ont disparu au même rythme que les autres), on doit admettre qu’abolir la gestion de l’offre sans offrir de compensation en retour serait injuste pour les fermiers.

La plupart des producteurs laitiers et avicoles ont déboursé des sommes importantes pour l’acquisition de leurs quotas, et même contracté des hypothèques à cette fin. Ils pensaient ainsi profiter des prix plus élevés que les consommateurs doivent payer en raison des restrictions imposées à l’approvisionnement des produits laitiers et avicoles, et peut-être éventuellement vendre leurs quotas. 

Mettre fin à la gestion de l’offre sans compensation les laisserait aux prises avec les intérêts et la dette contractée pour acheter les quotas, mais sans les actifs. C’est donc la moindre des choses qu’une forme de compensation soit offerte.

Certains avancent que la nécessité de verser une telle compensation rend impossible le démantèlement du présent régime. C’est faux. La valeur comptable des quotas est présentement de 13 milliards. Il s’agirait du versement ponctuel à effectuer pour une mesure dont les bénéfices récurrents pour les consommateurs s’élèveraient de 5,5 à 6,7 milliards chaque année.

Ces économies résulteraient de la possibilité pour les fermiers canadiens d’entrer dans les secteurs laitier et avicole plus librement, sans la barrière que représente le coût d’acquisition des quotas, et de l’arrivée de produits provenant de l’étranger au pays. Tout cela augmentera l’offre, ce qui ferait baisser les prix. Et il s’agit ici d’estimations prudentes, qui ne tiennent pas compte des gains potentiels pour les producteurs canadiens en ce qui a trait à l’accès aux marchés étrangers. Les coûts de transition vers un marché libre seraient surpassés par les bénéfices considérables en l’espace de quelques années.

La meilleure façon de procéder serait probablement de répartir la compensation à payer sur une dizaine d’années en instaurant une taxe temporaire dont les revenus iraient directement aux fermiers.

C’est ce qu’a fait l’Australie lorsqu’elle a mis fin à son propre régime de gestion de l’offre, au tournant du millénaire. Si le gouvernement devait choisir cette avenue, il devrait verser aux fermiers 1,6 milliard par année pendant 10 ans, ce qui équivaut à la valeur actuelle des quotas. Dans un tel scénario, les paiements aux fermiers seraient largement inférieurs aux gains pour les consommateurs, comme nous l’avons mentionné plus haut.

Quelle serait la somme d’une telle taxe ? Pour deux litres de lait, la taxe s’élèverait à 23 cents, une somme minime comparativement aux économies pour les consommateurs, en raison de l’augmentation de la concurrence. Le prix d’un emballage de deux litres de lait, qui est présentement de 4,93 $, chuterait à 2,31 $ après la libéralisation, même en tenant compte de la taxe pour indemniser les fermiers. Les consommateurs économiseraient donc 2,62 $ pour chaque format de deux litres acheté, soit plus de la moitié du prix actuel !

Évidemment, le gouvernement pourrait choisir d’offrir plus aux fermiers. En fait, les gains découlant de la libéralisation l’emporteraient sur ses coûts, et ce, même si le gouvernement décidait de rembourser les quotas à la pleine valeur du marché (ce qui serait excessivement généreux envers ceux qui ont acheté leurs quotas à une fraction de la valeur marchande et en ont profité pendant des années).

Compte tenu de la littérature scientifique qui est presque unanime en ce qui a trait aux coûts élevés de la gestion de l’offre, il est simplement impossible de justifier son maintien en place. Invoquer la nécessité d’une compensation afin d’empêcher une réforme n’est pas plus fondée, comme nous l’avons démontré. En fait, loin d’être un obstacle, la compensation pour les quotas devrait être vue comme un moyen réaliste de se sortir d’un système archaïque et injuste.

Vincent Geloso and Alexandre Moreau are respectively Associate Researcher and Public Policy Analyst at the MEI. They are the authors of "Ending Supply Management with a Quota Buyback" and the views reflected in this op-ed are their own.

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