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Pollution électorale

À chaque élection, il y a des incontournables. Le débat des chefs et l’avalanche de promesses en sont des exemples. Il y a aussi les lamentations quant au faible taux de participation lors du vote, particulièrement chez les jeunes. Certes, à peine 58,8% des Canadiens s’étaient présentés aux urnes lors des élections de 2008, ce qui constitue le taux le plus bas de l’histoire du pays.

Pour contrer le phénomène, les candidats, les médias et les intervenants de tout acabit nous encouragent à aller voter. Élections Canada y va de son slogan « Voter, c’est choisir son monde », tandis que des vedettes, comme la chanteuse Nelly Furtado et le groupe montréalais Arcade Fire, nous font la morale et nous conjurent de faire notre « devoir de citoyen ». Pour faire passer le message, on nous culpabilise en insistant sur le fait que nos ancêtres se sont battus pour le droit de vote, que des millions de personnes dans le monde en sont encore privées, que voter est la quintessence de l’implication sociale, qu’il y va de la santé de la démocratie, etc.

Soyons clairs. Voter, c’est donner son appui à un candidat qui prendra ensuite des décisions qui influenceront nos vies. Il s’agit donc d’un geste important qu’il est nécessaire de prendre au sérieux. Si tous les électeurs prenaient la peine de se renseigner sur les partis et leurs candidats, si chaque vote était le produit d’une réflexion et d’un choix éclairé, l’acte de voter prendrait tout son sens et il serait alors justifié de l’encourager.

Questionnement

Or, comme la politique ne pourra jamais intéresser tout le monde, il y aura toujours des électeurs peu informés qui choisiront un candidat en ignorant presque tout de lui et de sa plateforme. S’il est bon de voter, tous les votes ne sont donc pas nécessairement bons. Certains peuvent même constituer une forme de pollution électorale. Il ne s’agit pas de blâmer les électeurs qui ne suivent pas la politique, mais simplement de souligner une réalité. Cependant, de ce constat découle une question qui mérite d’être posée: en quoi la démocratie est-elle avantagée lorsqu’on encourage le vote d’électeurs qui ignorent tout des enjeux électoraux et qui sont plutôt indifférents quant à l’issue de l’élection? Veut-on vraiment que la destinée du pays soit influencée par des électeurs qu’on a harcelés pour qu’ils se présentent aux urnes et qui finiront par choisir un candidat en fonction de leur humeur du moment?

Bien entendu, il est hors de question d’empêcher qui que ce soit de faire entendre sa voix. Par contre, peut-on cesser de solliciter la participation de ceux qui n’apprécient pas suffisamment la politique pour se renseigner convenablement? On ne doit pas participer au processus électoral uniquement pour le principe de poser un geste qui symbolise la démocratie.

Voter n’est pas une obligation, c’est un droit. C’est aussi le seul moment où le simple citoyen peut influencer la gouvernance. D’ailleurs, ne nous répète-t-on pas que chaque vote compte? Si tel est le cas, l’action citoyenne ne doit pas se limiter à cocher un nom sur un bulletin de vote sans trop savoir pourquoi. Par respect pour la démocratie, pour le processus électoral, et pour l’ensemble de la population, quiconque entend se prévaloir de son droit de vote a le devoir moral de s’informer correctement. En revanche, celui qui se désintéresse de la politique a raison de s’abstenir de voter, et on ne devrait pas tenter de le convaincre du contraire!

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.

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