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Les apprentis sorciers

En cette semaine d’Halloween, nous aimons bien jouer à nous faire peur, et certains redoublent d’efforts pour créer une ambiance effrayante. Or, inutile de garnir le paysage de sorcières volant sur des balais pour être totalement terrifiés, il suffit pour cela de porter attention aux apprentis sorciers qui nous gouvernent.

En effet, les politiques bien intentionnées de nos élus relèvent souvent de la logique de l’apprenti sorcier dans la mesure où ils se livrent à des expériences dangereuses qu’ils ne savent pas maîtriser et dont ils sont incapables de prévoir les résultats.

En économie, comme dans le domaine social, les constats s’imposent facilement: chômage, pauvreté, croissance économique modeste, pollution, crise forestière, délocalisation, exclusion sociale, etc. Depuis quelques semaines, les divers partis politiques tiennent leurs colloques régionaux et fixent des objectifs sur la base des constats émis. Entre autres, ils souhaitent créer de l’emploi, favoriser la croissance et élever le niveau de vie de l’ensemble de la société. Jusque-là, les intentions sont nobles.

Mais les problèmes apparaissent lorsque nos élus bricolent des programmes, des actions et des mesures occultes dans l’espoir d’atteindre leurs objectifs comme par enchantement. Malgré leurs bonnes intentions, ils se métamorphosent aussitôt en apprentis sorciers qui déclenchent des forces échappant à leur contrôle. Leurs déclarations ressemblent alors à des incantations, et leurs politiques publiques font office de potions magiques censées régler tous les problèmes économiques et sociaux.

Comme ils font fi des enseignements de la science économique et qu’ils défient les principes économiques les plus élémentaires, leurs actions font souvent l’effet d’un mauvais sort digne de la magie noire. Ils négligent surtout de tenir compte des incitations que leurs décisions engendrent. Par exemple, nos divers gouvernements ont successivement augmenté le fardeau fiscal des contribuables et des entreprises dans l’objectif de redistribuer les richesses. Or, nous constatons aujourd’hui que le Québec est l’une des régions les plus pauvres en Amérique du Nord.

Comment ce qui devait être un élixir pour améliorer le niveau de vie de certains s’est-il transformé en un sortilège qui garantit un appauvrissement relatif de tous? Tout simplement parce que nos décideurs ont négligé le fait que les hausses d’impôts pénalisent l’effort et l’innovation et que, par conséquent, ils étouffent toute incitation au travail, à l’investissement et à l’entrepreneurship.

C’est également par souci d’autrui que l’État québécois a opté pour le socialisme dans la santé. Pourtant, nous manquons de médecins, les équipements sont obsolètes et insuffisants, de nombreux patients meurent en raison des interminables listes d’attente tandis que d’autres ont contracté la bactérie C. difficile. Au lieu de permettre l’accès universel tant espéré, nous avons maintenant un système universellement inaccessible. Mais ce résultat n’est guère surprenant puisqu’un hôpital qui fonctionne sur la base de budgets annuels considère chaque patient comme une dépense et est donc peu motivé à fournir des efforts pour améliorer la qualité du service.

Les exemples de ce genre abondent et prouvent que les recettes miracles n’existent pas. Il est également évident qu’on ne peut ignorer le fait que les salaires et les profits constituent les principales incitations pour les travailleurs et les entrepreneurs. Pour résoudre les problèmes économiques et sociaux, il vaut mieux que l’État se consacre à susciter le dynamisme de notre économie en créant un environnement favorable au travail et aux affaires.

À force de vouloir régler les problèmes grâce à la magie de la redistribution des richesses sans se soucier de leur création, nos élus ne réussiront qu’à appauvrir la classe moyenne sans enrichir les pauvres. Voilà qui fait réellement trembler de peur!

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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